Les statistiques officielles démontrent que la classe moyenne paie 33 % d’impôt sur le revenu et les riches 19 %. Comme l’intervenante ajoute certains éléments exogènes tels que la TVA, on arrive aux taux qu’elle indique. Il est pour le moins troublant de constater que ce sont ceux pour qui la pression de l’impôt est la plus insupportable qui en paient le plus et ceux pour qui il est indolore qui en paient le moins.
Introduction
Certains défendent les riches en disant que 70 % de l’impôt est payé par 10 % de la population, ce qui est vrai. Mais ça ne change rien fondamentalement parce qu’ils s’accaparent également 70 % de la création de richesse alors que l’impôt sur le revenu ne représente pas même le quart des rentrées de l’Etat. Autrement dit, 10 % de la population s’accapare 70 % de la richesse et paie en retour 70 % du quart des rentrées de l’Etat. Et donc les trois-quarts des rentrées de l’Etat sont alors couvertes par l’ensemble, essentiellement par le 90 % de la population qui ne se partage que 30 % de la création de richesse. C’est donc pour le moins une très bonne affaire pour le 10 % qui paie 70 % de l’impôt qui est littéralement payé par l’ensemble pour encaisser de l’argent qui sera remboursé par l’ensemble.
De fait, si vous avez gagné 1 million d’euros et que vous payez 250 000 € d’impôts, les conséquences sur votre vie ne sont pas du tout les mêmes que si vous avez gagné 60 000 € et que vous payez 20 000 €. Et il se trouve que le fonctionnement de l’économie repose sur le second exemple et non pas le premier. En quoi cela serait-il un problème, techniquement, que 80 % de l’impôt soit payé par 5 % de la population ? Et donc que celui qui a gagné 60 000 € ne paie plus que 5000 € ? Celui qui a gagné 1 million paierait toujours 250 000 € mais celui qui a gagné 10 millions et aujourd’hui ne paie que 2,5 millions d’euros, paierait alors 4 millions d’euros, ne lui laissant “que” 6 millions pour survivre. C’est la thèse habituellement déroulée par la gauche, par exemple Thomas Piketty, ou Jean-Luc Mélenchon, qui appellent à une plus forte progressivité.
Ici, il s’agit de faire une autre démonstration avec une proposition concrète plus équilibrée et plus juste socialement. Aujourd’hui l’impôt sur le revenu n’est pleinement payé que par ceux qui devraient en payer le moins parce qu’ils sont le pilier de l’économie tandis que ceux qui ont les moyens de structurer leur revenu pour optimiser leur fiscalité n’en paient quasiment pas alors que c’est eux qui devraient en payer le plus. Ce phénomène se produit parce que l’impôt sur le revenu a été conçu et instauré à la fin du 19e siècle, à l’ère industrielle. En France il n’a finalement été introduit qu’à la première guerre mondiale. A l’époque, il était difficile de déporter son revenu, le riche vivait là où se trouvait son usine, sa ville dont il était le notable, ses gens, qui travaillaient en troupeau docile. Aujourd’hui, avec la dématérialisation, la trivialité des voyages, il est devenu facile de déporter son revenu ailleurs et de le dépenser à l’insu de tous –et surtout du fisc– avec un petit bout de plastique. C’est donc que ce système, imaginé par et pour le 20e siècle est échu au 21e siècle, tout simplement.
Beaucoup mettent en avant le fait que ce genre de réformes décrites ici serait difficile à mettre en place. Pourtant, avant la Révolution il y avait un système fiscal. Après la Révolution un autre. A la fin du 19e siècle il était très différent, puis le système que l’on connaît aujourd’hui a été introduit au début du 20e siècle. Ce n’est pas comme l’impôt sur le revenu est une tradition existante depuis la nuit des temps. Il y a seulement 200 ans seuls les pauvres payaient des impôts. Il y a 100 ans, seuls les riches payaient des impôts et seulement sur la part visible de leur fortune. Aujourd’hui, tout le monde est contribuable et seuls ceux qui gagnent trop pour être non-imposables mais pas suffisamment pour avoir les moyens d’organiser leur revenu pour se soustraire à l’impôt le paient.
Évoluer n’a donc absolument rien de rédhibitoire, surtout dans le sens d’un système plus libéral et plus équitable. D’autant que ces mesures ont tendance à simplifier la fiscalité et à faire que tout le monde paie moins d’impôts alors que l’État est mieux financé.
Première étape
L’impôt sur le revenu est maintenu, plus pour lisser la transition et fluidifier la résistance sociale au changement que par nécessité. Mais il est ramené à un niveau suffisamment bas pour qu’il ne soit plus rentable pour celui qui a les moyens d’optimiser sa fiscalité de le faire. Organiser et gérer des structures complexes pour diluer, déporter, dissimuler, réduire artificiellement son revenu et sa fortune, est complexe et coûteux. Il faut pour cela qu’il y ait un véritable gain. Si l’impôt est bas, la rentabilité n’est plus garantie. Si l’Impôt sur le revenu est ramené à moins de 10 %, il est bien plus simple et confortable de s’y soumettre.
Seconde étape
La mise en place d’un impôt qui au lieu de reposer sur la situation financière et économique de l’individu repose sur son niveau de vie. Le riche qui vit comme un pauvre paie comme un pauvre. Le pauvre qui vit comme un riche paie comme un riche.
D’agir ainsi résout plusieurs problématiques :
- Il ne sert plus à rien d’organiser des montages coûteux et complexes pour déporter son revenu au bout du monde puisqu’on n’en tient plus compte. L’optimisation fiscale se limite désormais à vivre dans moins d’opulence ou accepter la charge fiscale consécutive à notre qualité de vie.
- Des sommes énormes dissimulées dans des paradis fiscaux reviennent sur le territoire, puisque le fait de les posséder et les dépenser n’influe plus directement sur les impôts. Que vous rouliez dans une Rolls avec chauffeur qui appartient à votre société établie à Guernesey ou Singapour ou que vous l’achetiez en propre ne change rien à votre fiscalisation. C’est le fait de rouler en voiture de luxe avec chauffeur qui est taxé, sans autre considération.
- Ceux qui aujourd’hui optimisent le mieux et ne paient pas d’impôts ou presque, on se souvient de Liliane Bettencourt qui avait même reçu un chèque de 12 000 € de Bercy, alors qu’elle n’avait pas payé du tout d’impôts en raison de son « endettement », se retrouvent tous à payer l’impôt. Ca fait que tous ceux qui le paient en paient moins ce qui redonne une grosse bouffée de pouvoir d’achat.
- L’impôt est plus acceptable par les riches honnêtes, et plus supportable pour les classes moyennes, le consentement à l’impôt augmente. D’autant qu’il ne repose plus sur un prétendu « esprit républicain » qui sanctionne le fait de réussir et gagner de l’argent, mais bien une conséquence concrète de notre mode de vie choisi, il est donc plus libéral.
- La fracture sociale se réduit, les riches étant incités à vivre de manière moins dispendieuse pour payer moins d’impôts.
- La crise du logement, parce qu’en réduisant la concentration des riches qui ne veulent plus payer trop cher pour leur logement pour économiser des impôts, le prix des loyers baisse pour toutes les strates.
- La vie des pauvres s’améliore, parce que les exemples sont innombrables démontrant que là où vivent des riches au milieu des pauvres, il y a des conséquences indirectes du seul fait de leur présence immédiate dans l’environnement des déciles inférieurs. Les avantages de la mixité sociale ne sont clairement plus à démontrer depuis longtemps, ils sont innombrables, indiscutables et parfaitement documentés, mobilité sociale, qualité de vie au niveau local, dynamique territoriale, fonctionnement des services, etc..
La fraction résiduelle d’impôt sur le revenu est évidemment prise en compte dans l’imposition totale, on paie en conséquence moins du nouvel impôt sur le niveau de vie. Ce qui facilite au passage son calcul puisque en réduisant sa part globale, il n’aura donc pas à être très précis, ce qui le rend plus plausible et simplifie sa mise en place. Plus la part d’impôt sur le niveau de vie est faible, plus elle repose sur une estimation grossière. Plus sa part est forte et plus il est crucial d’établir avec précision le niveau de vie de chacun, ce qui ouvre la porte à des possibilités de dissimulation, d’arrangement des faits et, bien sûr, est bien plus intrusif.
Troisième étape
L’introduction d’un coefficient d’inégalité. Plus l’inégalité est forte et plus l’imposition est élevée. Plus elle se réduit et plus l’imposition est basse. Par exemple, vous devez payer 1000 € d’impôts et le coefficient fiscal d’inégalité est à 1,5, vous payerez 1500 €. L’inégalité s’est réduite progressivement, le coefficient fiscal a baissé, il n’est plus qu’à 0,5, vous paierez 500 €. Ainsi, tout le monde contribue au recul de l’inégalité, sans recherche d’égalité, et lorsque l’inégalité reflue, tout le monde bénéficie directement des fruits de la participation de tous à cette quête d’équité. Ceux qui paient des impôts par la baisse consécutive de leurs impôts, pour les non-imposables par l’amélioration de leur qualité de vie grâce au recul de l’inégalité.
Quatrième et dernière étape
La part écologique de pondération du revenu imposable, non seulement grâce au comportement visant à limiter la prégnance écologique du mode de vie, mais également en favorisant la contribution à la vie sociale par la participation au financement des associations. Il s’agit là d’une possibilité libérale de pondération de son revenu imposable, qui n’est pas une obligation et sur laquelle chacun a le contrôle, par ses choix conscients dans son mode de vie, lui accordant plus ou moins de pondération, ainsi que son partenariat avec l’association qui l’accompagnera dans la démarche.
On a vu, avec la fin de l’ISF, que la perte de la possibilité d’amoindrir son impôt par des dons aux associations, ceux-ci se sont littéralement effondrés, faute à un dispositif permettant de s’y substituer. Ce concept permet à tout un chacun de documenter ce qu’il fait au quotidien, dans ses affaires comme dans sa vie, pour réduire son empreinte environnementale et favoriser la vie sociale, afin de contribuer à l’amélioration de la vie, la préservation de l’environnement, le développement sociétal. L’incidence de son action ouvre droit à des bons de réductions d’impôts opposables au fisc, comme de la monnaie. Ces bons peuvent très bien être imaginés transmissibles, chacun voit midi à sa porte. Leur établissement se fait via des associations qui respectent un cahier des charges pour se faire homologuer, sans limite de leur taille ou leurs infrastructures, il s’agit juste de respecter des conditions de probité et de capacité technique à expertiser les dossiers pour établir les certificats. Chaque association se finance grâce à son partenariat avec les demandeurs comme elle l’entend, l’une facture sa prestation à l’heure ou à la prestation, une autre établira les dossiers au forfait, une autre exigera un contrat de mécénat sur une durée donnée, etc..
En conclusion
Le calcul du coefficient fiscal d’inégalité repose sur la volonté politique, plus on est plutôt de droite, de tendance patronale, et plus on a propension à abaisser le coefficient fiscal d’inégalité, ce qui apporte du pouvoir d’achat. Et plus on est plutôt de gauche, de tendance populaire, et plus on a tendance à élever le coefficient fiscal d’inégalité, ce qui débouche sur de la redistribution. Il en va de même pour la taxation du niveau de vie, où chaque échelon découle d’une décision politique menant à une taxation plus ou moins progressive, avec un seuil de déclenchement plus ou moins haut et une taxation de l’opulence plus ou moins forte. D’un point de vue strictement politique, ces nouvelles mesures ne compromettent donc en rien la latitude de gestion politique ce qui garantit la perpétuation du modèle démocratique et libéral. Ce type d’imposition est plus libéral, plus équitable puisque tout un chacun peut le moduler en fonction de ses sensibilités personnelles. Et il résulte in fine une mixité sociale plus grande, un financement des associations amélioré, une intrication sociale des déciles les plus élevés plus forte.