Sous le Paternalisme, l’ouvrier vivait dans les « cités ouvrières », constituées d’habitations plus ou moins confortables appartenant à l’usine qui les faisait vivre. Les premiers appartement à loyer modéré, les ancêtres des HLM, sont apparus après la crise de 29 pour loger les citoyens paupérisés à la suite de l’effondrement du Paternalisme avec les faillites consécutives. A l’origine il s’agissait surtout d’un habitat bas-de-gamme, peu cher, vite construit pour remplacer l’habitat abandonné des friches industrielles. Mal isolé, souvent sordide, un habitat minimaliste pour les pauvres qui tenait plus lieu du ghetto que de la « cité HLM », concept moderniste reposant sur celui de la cité ouvrière, mais plus développé, plus confortable, apparu plus tard, dans les années 50. C’est le Conseil National de la Résistance qui a mis en route le programme d’aide au logement qui, aussitôt approprié par les politiques et les investisseurs, tenait autant de la protection du pauvre que de l’enrichissement du riche.
Dans l’immédiat, on en est au constat évident d’échec de la politique actuelle tout comme envisagée par le gouvernement pour résoudre la problématique posée.
L’hygiénisme urbanistique, une aberration sociale
Le problème, c’est la mixité sociale. Il n’est pas normal qu’il existe des immeubles HLM. Les HLM doivent être dispatchés dans la masse de logements pour mélanger la population. Et, plus grave, il n’est pas normal qu’il existe des parcs d’immeubles HLM, qui deviennent fatalement des ghettos. On a supprimé les bidonvilles pour parquer les gens dans ces abominations. Mais les bidonvilles étaient des centres d’activité, tout y était possible, bon nombre parvenait à s’en extraire, on pouvait y créer son activité sans frais. Dans un immeuble « confortable », dans un environnement constitué de gens de même condition, sans être la seule voie possible, la misère ne peut être que récurrente, faute de dynamique environnementale. Et ce n’est surtout pas de contraindre les gens à aller à Pôle Emploi qui va les aider dans la vie. Condamnés à être soit étranglés par l’obligation de chercher un emploi de merde qu’ils ne trouveront pas contre une misère, ou de se créer une activité surchargée dès son commencement par des taxes qu’ils n’auront pas les moyens de payer. Ce système est parfaitement absurde et ne peut pas fonctionner.
Cela coûte bien moins cher de donner des moyens aux habitants des bidonvilles pour créer des activités, même non contrôlées et non fiscalisées, améliorer leur logement, que bâtir des quantités d’immeubles dans lesquels rien n’est possible et qui ne sont pas moins des coupe-gorge. L’idée de l’urbanisme hygiéniste a simplement oublié le facteur humain. On a pensé à l’Humain, on a omis de penser à sa complexité et sa diversité. Ce n’est pas de donner un grand logement lumineux et bien chauffé avec une salle de bain qui va rendre heureux. C’est juste une cage dorée si dedans il n’y a pas de présent et dehors pas d’avenir. A l’intérieur, on a préféré un individualisme douillet et isolationniste radicalement contraire à l’objet profondément collectif et collaboratif qu’était le bidonville. A l’extérieur on a préféré les pelouses aux espaces collectifs en ajoutant un panneau « interdiction de marcher sur les pelouses » sur les dernières traces de pelouse, disparue à force de marcher dessus.
D’ailleurs, le HLM est protéiforme, il existe des quartiers résidentiels HLM, avec des maisons individuelles et jardin privatif, il ne s’y produit aucun des phénomènes rencontrés dans les parcs d’immeubles. Et ce n’est pas d’avoir des immeubles encore plus confortables, plus écologiques, plus design, qui va changer quoi que ce soit. C’est simple à comprendre : de parquer des pauvres dans des appartements dont ils paieront le loyer avec des aides sociales non inconditionnelles les voue à la misère en les assignant à résidence dans leur condition sans espoir d’épanouissement. D’autant que s’ils n’exécutent pas ce que l’on attend d’eux ils sont sanctionnés et on les détruit, littéralement. De vivre en HLM est une condition de dépendance, contraire à toute perspective d’évolution positive. L’hygiénisme a besoin d’uniformité, alors que la clé de l’humanité c’est l’homogénéité dans la diversité, pas l’unanimité dans le conformisme. L’ennemi de l’unité est l’unicité.
Un nouveau rôle pour les organismes HLM
Imaginez que les organismes HLM, au lieu de « gérer du logement social » aient pour tâche de « gérer des droits au loyer ». Aujourd’hui, on expulse des gens de logements sociaux alors qu’ils s’y sentent bien sous prétexte qu’ils gagnent trop. C’est absurde, stupide même et contraire même à la loi SRU qui impose de la mixité sociale. Maintenant, imaginez que chaque logement signataire d’une « charte de logement social » voie un prix de son loyer établi à un niveau « HLM ». Vous avez donc deux loyers pour chaque logement, le loyer maximal auquel le logement peut être loué, sa vraie valeur si vous n’aviez pas besoin de bénéficier du système social… et le loyer social, qui vise à vous apporter un logement correct malgré votre situation sociale. La différence pourrait être constituée de certificats garantis par la Blockchain, que l’on appellera provisoirement « droits au loyer ». Disons arbitrairement que chaque certificat a une valeur de 25€. Un organisme intermédiaire pourrait faire le lien entre tous les acteurs, propriétaires, sociétés HLM, locataires, puisque le système fonctionnerait à l’échelle nationale. Un droit au loyer établi à Marseille pourrait tout-à-fait servir à Lille. L’organisme intermédiaire assurerait alors le versement des droits aux détenteurs des certificats.
Pour les propriétaires privés aussi
Les organismes HLM sont propriétaires d’immeubles, mais il y a aussi des propriétaires privés qui pourraient de facto en bénéficier. Dans la charte on inclurait que le loyer serait tout ou partie garanti par l’Etat, ce qui offrirait au propriétaire le complément à l’assurance perte de loyer (comme aujourd’hui l’Etat garantit les organismes HLM contre les pertes de loyer en fait), en échange, il lui est imposé l’acceptation d’une caution d’Etat ou d’un organisme reconnu, société privée, banque. Il n’y a pas d’échange d’argent et c’est donc une gestion en moins, l’organisme déterminé se porte juste caution, jusqu’au moment où le locataire exigerait d’être lui-même caution pour se désentraver de l’Etat. Le propriétaire, lui, louerait au locataire au prix HLM et encaisserait son plein loyer grâce au Delta entre la valeur HLM et la valeur réelle payée par des droits au loyer qui auraient été retirés à des locataires de logements sociaux dont la situation s’est améliorée et qui ont ainsi perdu leurs droits au prorata de leur situation.
Pour illustrer, vous avez quelqu’un qui entre dans un HLM, il gagne le SMIC, son loyer est de 800€ (et des APL peuvent éventuellement compléter), la valeur du logement sur le marché est de 1’450€, il bénéficie donc de de 26 droits au loyer, soit 650€ (1’450-800€=650€). Sa situation évolue, mariage, hausse de salaire, nouveau travail, etc… on lui retire progressivement des droits au loyer. Son reste à vivre a augmenté de plusieurs centaines d’euros, on lui retire 10 droits au loyer. Ces 10 droits sont mis sur le marché pour aller établir un nouveau droit au logement ailleurs. Sa situation évolue encore, jusqu’à lui retirer l’intégralité de ses droits au loyer. Il paie désormais son loyer à plein, 1’750€, ne fait donc plus partie de la même catégorie sociale que les autres occupants de l’immeuble qui eux bénéficient de droits au loyer, ce qui favorise la mixité sociale, mais on ne l’expulse pas. Si il veut rester, il reste, ce qui contribue à la dynamique sociale en élevant le niveau moyen de l’environnement économique immédiat pour les habitants.
En face, nous avons un propriétaire qui a signé la charte HLM. Il encaisse le plein loyer, les occupants de son logement de Neuilly sont des bénéficiaires de l’aide sociale, ce qui favorise la mixité sociale. Ils paient 1’100€ C’est à Neuilly, ça ne peut pas être aussi bon marché qu’ailleurs) de loyer, mais le logement vaut sur le marché 1’750€. Mais les 650€ sont payés par les droits au loyer retirés à l’autre foyer. Tout ceci reposant donc sur la Blockchain qui garantit l’authenticité et donc la valeur de chaque certificat, qui devient littéralement « une monnaie sociale pour le logement » et géré par une bourse. Il existe une « masse monétaire de monnaie sociale pour le logement », des millions de certificats, qui sont redistribués selon les besoins comme aujourd’hui on distribue de l’argent.
Retombées positives
Pour les locataires :
- Plus de risque de se faire expulser en sanction de leur évolution positive;
- Un loyer évoluant graduellement à l’évolution de la situation sur déclaration fiscale et non pas décision de l’organisme HLM;
- L’accès à une plus grande diversité de logements, puisque n’importe quel logement est susceptible de devenir un « logement social » si le propriétaire a signé la charte.
Pour les propriétaires :
- Plus de risque de perte de loyer. La caution est garantie;
- Une plus grande diversité de locataires possibles, y compris sa propre famille. Un propriétaire peut signer la charte pour faire entrer sa famille en situation difficile dans son logement en lui offrant un loyer plus bas sans perte.
- La possibilité de « militer ». Si un propriétaire favorable à la mixité estime que Neuilly devrait avoir plus de logements sociaux, il peut simplement signer la charte et chercher les locataires qui bénéficieront des droits au loyer qu’il acquiert par ce biais en soumettant la gestion de son loyer à l’organisme gestionnaire des droits au loyer qui les distribue.
Pour l’Etat :
- La contraignante, pour ne pas dire totalitaire, loi SRU est obsolète, substituée par un mécanisme démocratique incitatif, les locataires de logements sociaux vivent là où il y a du logement signataire de la charte.
- Une subvention unique pour tout le territoire visant à couvrir les fonds de certificats de loyer, il n’y a plus de disparités territoriales qui s’organisent d’elles-mêmes en conséquence de la disponibilité des certificats de loyer.
- La latitude de gouvernance politique, selon le bord élu, d’augmenter ou de raréfier à loisir les certificats de loyer dont la valeur est également modulable, ce qui revient à intervenir sur le logement social et non plus les loyers.
Pour les communes :
- Fin des absurdes sanctions en raison du manque de logements sociaux pour répondre à la loi SRU, désormais le marché est privatisé et libéralisé sous contrôle de l’Etat. Avec un organisme privé les collectivités peuvent même être part au capital et ainsi disposer d’un pouvoir de contrôle et éventuellement de retombées financières de leur coopération.
- Fin du souci de trouver des terrains pour bâtir dans les zones en grande tension foncière.
- Fin des contraintes politiques et des manigances sur le logement social, le politique local n’a plus aucune influence sur la mixité sociale et le logement social.
Et si on vient cumuler ça avec mon concept d’impôt sur le niveau de vie, qui a lui seul incite déjà à la mixité sociale puisque l’impôt n’est plus payé en conséquence de la richesse mais du niveau de vie, on est à l’aise.