La notion de travail va changer radicalement
Avec la révolution du numérique, la notion de travail tel que nous le connaissons va profondément se transformer. Le travail va considérablement s’amoindrir. Non seulement par l’automatisation des systèmes de gestion qui impliquent de moins en moins de main d’œuvre pour gérer des portefeuilles de plus en plus conséquents, aujourd’hui, une petite équipe peut gérer un portefeuille de 10 millions de clients, mais aussi grâce à l’évolution de la production.
L’imprimante 3D va tout simplement supprimer tout un pan de la production en rendant la fabrication de tout et n’importe quoi triviale, il suffit de presser « Enter » et voilà une maison, un vélo, une voiture, une pièce de mécanique ou un bouton de machine à laver. L’usine Good Year dont l’actualité nous ressasse inlassablement le désespoir des salariés à la rue, qui se comprend par ailleurs fort bien, est représentative du phénomène. D’ici à quelques années, les pneus structurés « airless » pourront être imprimés directement dans les ateliers de montage. La possibilité de crever sur la route ne deviendra plus qu’une option et nous pourrons utiliser notre compartiment à roue de secours pour autre chose. Nous pourrons alors choisir la couleur et le profil directement sur catalogue, voir créer le nôtre, perso. Des roues polymères complètes pourront même être éventuellement imprimées, de sorte qu’on ne changera plus les pneus, mais la roue. La roue usée étant recyclée, redonnant de la matière pour imprimer. Plus besoin de jantes, plus besoin de pneus…plus de travail ni pour la fabrication, ni pour la logistique, ni pour le transport, fini l’usine Good Year (depuis l’écriture de cet article, il y a bien eu la fermeture d’une usine Good Year qui a fait grand bruit, mais c’est sans aucun rapport avec ce que décrit le propos tenu ici qui se veut générique) !
La transition sociétale est inéluctable
Ces paramètres induisent une transition sociétale inéluctable. D’ici la prochaine décennie, un tiers de la population active ne travaillera plus du tout, un tiers ne travaillera que ponctuellement, pour diverses raisons (l’accueil d’un enfant, l’achat d’une voiture, constitution de patrimoine en vue d’acquisition du logement, mariage, etc..), seul un tiers de la population travaillera « normalement »Les propositions les plus courantes tournant autour du partage du travail, ce qui est le pire qui puisse nous arriver puisque cela revient à appauvrir l’ensemble de la population. Tout au contraire, il faut libéraliser complètement le travail et permettre à ceux qui ne travaillent plus du tout de continuer à vivre.
C’est une transition inéluctable, mais aussi normale. Un énième saut qui se produit à l’aube de chaque siècle depuis l’apparition de l’industrie. La première révolution industrielle à fait du paysan inculte un ouvrier, lui donnant pour la première fois un salaire. La seconde révolution industrielle a fait de l’ouvrier un individu qui accède à l’autonomie, la santé, le niveau de vie…la troisième révolution industrielle fera de l’ouvrier devenu cultivé de la seconde révolution industrielle un citoyen interagissant avec son environnement sociétal, tout simplement.
Une autre fiscalité est incontournable
Chacun remplit toujours une déclaration de revenus, mais qui ne tient plus compte des épouvantables circonvolutions fiscales actuelles du genre : « la taxe Machin de X% est appliquée sur le total des lignes No X et No X si le montant total au ratio des parts fiscales n’excède pas le huitième de 3x le plafond de la sécurité sociale, excepté dans les cas où la ligne No X contient une somme supérieure à…. »….
Là, on remplit simplement la déclaration de revenu : « j’ai gagné tant/notre foyer a gagné tant et nous avons tant de parts fiscales », c’est tout.
Une déclaration de fortune peut être établie à part qui prend en compte tout l’inventaire du foyer, chaque objet notable avec une valeur vénale est déclaré : la maison/appartement, héritée de grand-maman à 200’000€, votre voiture d’occasion à 7’500€ dont le capital du crédit s’élève encore à 3’500€, le scooter du petit dernier à 1300€, mobilier, objets de valeur, etc… une taxe de 3 pour mille est appliquée sur ce total. Vous possédez 240’000€ de patrimoine, ce qui est un patrimoine commun pour la classe moyenne, vous payez 720€/an d’impôt sur la fortune. Un seuil patrimonial, peut-être 150’000€, en-dessous duquel le déclarant n’est pas taxé, est déterminé.
L’impôt négatif
Cette déclaration de revenu sera utile pour verser l’Impôt Négatif préconisé par Friedman¹ et introduit par Lionel Stoléru en 1974², revalorisé au seuil de pauvreté déterminé régionalement. Aujourd’hui, on verse bien quelques primes aux chômeurs, pour les étrennes, quelques gadgets, mais sans plus. En le revalorisant chaque foyer, en conséquence de ses parts fiscales, perçoit un minimum vital diminué progressivement au prorata des gains obtenus par leur travail basé sur un pourcentage du revenu d’insertion.
Autrement dit, la France est prête à la transition sociétale depuis 1974. Depuis déjà cette époque, Lionel Stoléru avait prévu le passage à un autre type d’indemnisation des victimes des aléas sociétaux, que s’est-il passé depuis?
J’entends beaucoup de voix s’élever alors disant qu’il faut financer cette manne. Mais elle est en réalité déjà largement financée. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une somme à sortir annuellement, mais mensuellement. Ensuite, une bonne part revient dans les caisses immédiatement au travers de la TVA et des impôts d’entreprises payés par les marchands. Enfin, un tel procédé, comme l’explique Lionel Stoléru2 :
« il faut y voir le moyen de supprimer et de simplifier toute une série de programmes sociaux actuels, et par conséquent, de faire des économies de gestion administrative ».
Ainsi, le RSA disparaît, la retraite minimale peut disparaître, les indemnités de chômage les plus faibles peuvent disparaître. Les aides sociales ponctuelles sont modérées, la charge des assistantes sociales considérablement amoindrie. Moins de structures, moins de dossiers complexes, moins de contraintes onéreuses, moins de contrôles, moins de tension sociale. Des économies en dizaines de milliards.
Et il n’y a pas moins de création de richesse. Ce ne sont plus des ouvriers qui travaillent, mais des machines, moins énergivores, plus rapides, plus précises, produisant moins de déchets, optimisant plus l’utilisation de matière première devenue plus rare, mais la production est toujours là. Elle est de meilleure qualité, produite autrement, mais elle est toujours là, l’humanité a toujours des besoins et des envies.
Cette solution concernerait environ 4 millions de foyers, ce qui représenterait environ 40 milliards d’Euros par an répartis en 12 versements. La TVA des dépenses des trimestres précédents venant contribuer aux versements des trimestres suivants. La fiscalité des entreprises des années précédentes venant financer l’année en cours.
Avec un tel procédé, tout le monde devient consommateur. Le travail est moins obligatoire et seuls ceux qui souhaitent travailler, pour des raisons qui les concernent, travaillent. Cette population s’occupe alors dans des activités sociales ou sociétales, comme les associations ou dans le service à la personne, des frais en moins pour l’État qui a moins de crèches, de maisons de retraite, à financer.
¹Capitalisme et liberté, Milton Friedman, 1962
²Wikipedia : «il serait malsain de concevoir l’impôt négatif comme venant s’ajouter à tout ce qui existe. Bien au contraire, il faut y voir le moyen de supprimer et de simplifier toute une série de programmes sociaux actuels, et par conséquent, de faire des économies de gestion administrative. Cet objectif est même quelquefois l’un des buts principaux de la mise en œuvre de l’impôt négatif. »