L’agroécologie oui, il y a même péril en la demeure, l’agriculture manuelle, non. Et des concepts comme ceux de Pierre Rabhi ou Fermes d’avenir, de Maxime de Rostolan, posent le problème de la crédibilité de cette agroécologie en propulsant ces visions populistes au-devant de la scène.
Le populisme est toujours un grave problème et dans ce cas précis encore plus, parce que la vision propulsée est bucolique, poétique, romantique même. De facto, sa pénétration est bien plus considérable que la réalité du devenir de notre agriculture, qui n’est de loin pas aussi simpliste. Du coup, ceux qui devraient être des amis, parce que conscients du problème, deviennent des adversaires…
L’écologie est une science, pas une idéologie
Et à ce titre, elle induit le progrès, or le travail manuel est une régression, violente pour l’humain. Le fait même que l’humain se sacrifie pour produire sa nourriture est anti-écologique, parce que l’humain fait lui-même partie de l’environnement. Respecter la nature, c’est respecter aussi l’humain. Et pour souhaiter à quiconque de faire un travail pareil, il faut sacrément manquer de considération pour l’humanité.
Maxime de Rostolan nous dit que l’Homme « a divisé par 30 notre efficacité énergétique pour produire de la nourriture, ce qui est une insulte à l’intelligence humaine » !! Ce rapport à l’énergie pour la production de calories est parfaitement absurde. De l’énergie, nous en aurons de plus en plus dans l’avenir et ce de manière exponentielle et de sources de plus en plus diverses. D’augmenter notre consommation d’énergie pour produire notre nourriture est le signe même le plus évident du génie humain qui a transféré sur la machine la pénibilité de sa corvée. C’est ce qu’on appelle le progrès, ce n’est en rien le signe d’une dégradation de la naturalité de quoi que ce soit. En fait, l’énergie a simplement changé d’origine, c’est juste qu’elle a été transférée de l’humain vers la machine qui du coup lui s’est attelé à d’autres choses plus gratifiantes, qui elles aussi consomment de l’énergie.
Sur le fond, il a évidemment raison
C’est juste l’un de ses paradigmes fondateurs qu’il doit profondément réviser pour en faire réellement un concept porteur d’avenir. Il a par ailleurs raison lorsqu’il dit qu’il faut réformer le capitalisme pour placer l’argent là où il doit aller. Il a même profondément raison, au point que c’en est presque une lapalissade, mais c’est vraiment là qu’est le gros du boulot et le plus important, parce que la première destination du capital devrait être la production nourricière, évidemment.
Le concept « Fermes d’avenir » tel qu’il est aujourd’hui est en réalité un concept reposant sur des poncifs pseudo-écolos simplistes et populistes qui s’adressent à des citadins en mal de retour à la nature. Mais c’est parfaitement inapplicable dans l’objectif de nourrir l’humanité. C’est le retour à l’esclavage paysan, ce qui n’a rien d’une projection d’avenir. Il faut avoir pratiqué soi-même durant longtemps pour savoir et comprendre. Que certains puissent trouver bien ce qu’ont vécu nos grands-parents, c’est au mieux de l’ignorance, voire de la mauvaise foi, les deux dans le pire des cas.
L’avenir est aux exploitations à taille humaine
Certes, oui, mais robotisées, interconnectées, interactives, pour rendre le travail intéressant, moins fastidieux, avec du temps libéré sur les cultures pour la diversification. Toutes ces « Fermes d’avenir », dans 20 ans n’existeront plus en tant que telles, le temps que ces jeunes bobos en aient eu plein le dos, au propre comme au figuré et, surtout, voient ceux qui avaient construit une vraie exploitation d’avenir vivre confortablement.
Et c’est important à plus d’un titre, parce que au-delà de rendre l’exploitation viable et confortable pour l’exploitant et que ça évite que de pauvres esclaves ne se ruinent la santé dans ces boulots fastidieux, harassants, sans perspective d’épanouissement personnel, de robotiser fait contribuer l’agriculture à l’industrie, qui est la source de croissance économique. L’agriculture est un très gros marché potentiel pour absorber la production issue des nouvelles technologies conçues pour améliorer la vie humaine.
L’objet d’une civilisation n’est pas plus de produire à manger que l’objet du capital doit être de financer prioritairement une fabrication de gadgets à l’autre bout du monde. Tout comme le capitalisme doit se réformer pour placer l’argent là où il doit aller, les Fermes d’avenir doivent se réformer pour placer le curseur de l’écologie là où il doit être et qu’elles occupent ainsi le rôle qu’elles doivent rendre.
L’avenir est à la transition sociétale, la fin du travail, qui placera l’Homme au rang qui lui revient de droit et pour lequel la nature l’a spécifiquement doté, en l’élevant à l’échelon suivant de son évolution. Des tâches plus contributives au sein d’une économie collaborative reposant sur l’intelligence collective. La société du capitalisme cognitif, qui exploite l’évolution culturelle du 20ème siècle, où la cognition a explosé. Maintenir aujourd’hui l’individu au travail, outre le fait que ce soit lui manquer de considération, sans même tenir compte de ce paramètre humain, c’est aussi et surtout un gigantesque gaspillage.