La dette publique : un boulet pour nos finances publiques. Vraiment ?

Dans la foulée de la crise de 2008, on ne peut s’empêcher de débattre au sujet de l’économie sans évoquer la question épineuse de la dette publique. De nombreux économistes alertent sur les conséquences d’un surendettement de l’État avec cette augmentation des dettes publiques des différends pays occidentaux. Sur les politiques à mettre en œuvre pour palier à ce problème, certains proposent de diminuer la dépense publique pour faire en sorte que l’État n’accroisse pas son endettement de manière excessif. D’autres proposent qu’on fasse fi des recommandations des spécialistes et qu’on annule purement et simplement notre dette publique, notamment sur le postulat comme quoi elle serait illégitime car possédée par quelques oligarques qui, par le biais des banques, engrangent indûment des intérêts sur la dette.

Toutefois, la question qu’il serait légitime de se poser, c’est pourquoi l’État s’endette ? Pourquoi depuis une quarantaine d’années, nos gouvernements ont voté et continuent de voter des budgets en déficit, qui doivent donc être compensés par de la dette ? Si cette dette était simplement le résultat de politiques mises en place pour satisfaire notre obsession à maintenir à tout prix l’emploi, bien que les entreprises n’en aient plus besoin pour produire les biens et les services ? Bref, nous verront qu’en réalité, la dette en elle-même n’est pas un problème. Le problème, que ce soit pour un État, une entreprise ou un individu, ce n’est pas la dette en elle-même, mais ce qu’on en fait. De plus, nous verrons que la politique pour l’emploi est intimement liée à ce risque de surendettement de l’État.

La dette des États n’est ni du fait des banques, ni de quelques oligarques

Il faut savoir que la dette des État n’émane pas des banques. En réalité, l’État emprunte en émettant sur les marchés financiers des obligations, appelés aussi bons du trésor. Autrement dit, il vend des titres de créances que des investisseurs achètent et contrepartie, ils reçoivent des intérêts que l’État paie tous les ans jusqu’à une échéance fixée. De toute façon, compte tenu des sommes colossales à emprunter pour financer de quoi assurer son fonctionnement, il serait techniquement impossible à un État d’emprunter auprès d’une banque privée de la même manière que les particuliers lorsqu’il veulent emprunter pour acquérir un bien de consommation encore créer une entreprise. Dans ces conditions, elle ne peut qu’émettre des obligations, dont les banques jouent un rôle en acquérant quelques-unes de ces obligations ou encore en proposant leurs services à l’État pour émettre ces mêmes titres sur les marchés financiers.

Mais alors, si ce ne sont ni les banques, ni quelques familles d’oligarques, qui détient la dette publique ? Dans le cas de la France, comme la plupart des pays, il s’agit d’investisseurs institutionnels, résidents et étrangers . Autrement dit des fonds d’investissement, des fonds de pensions (qui gèrent les retraites des salariés de pays dont le système de retraite fonctionne par capitalisation), des fonds souverains ou encore des fonds spéculatifs qui cherchent un investissement sûr pour couvrir les investissements les plus risqués de leur portefeuille. Si les principaux créanciers dont des investisseurs institutionnels, des particuliers aussi sont créanciers de l’État. En effet, la dette de l’État français est détenue à 18 % par des particuliers via leurs assurance vie. Autrement dit, mettre de l’argent dans une assurance vie revient à posséder en partie la dette de la France et donc de toucher les intérêts. Le reste est détenue par des banques françaises à hauteur de 7 % ou encore des Organismes de Placement Collectif, dont certains comptent dans leur portefeuille des valeur mobilières dont font partis les obligations émis par l’État, à hauteur de 1,5 %. Les étrangers qui détiennent la dette publique à hauteur de 54,6 % sont des fonds de pensions qui cherchent à garantir les cotisations des salariés pour leurs retraites futures. Autrement dit, le futur retraité étranger détient aussi en parti de la dette de l’État. À noter que les États s’empruntent aussi mutuellement de l’argent. Ce fut le cas de la Grèce qui a reçu des prêts de la part de la France notamment, pour se remettre de la crise économique et dont le remboursement des obligations arrive à échéance .

 

Un coût d’endettement pas si important que cela dans l’immédiat

On entend souvent que les intérêts de la dette publique sont élevés, au point d’impacter négativement sur les finances de l’État, puisqu’ils s’élèvent à plus de 41 milliards d’Euros. C’est par ailleurs sur la base de ces mêmes intérêts perçus par les créanciers que cette même dette pourrait être considérée comme illégitime. En réalité, le taux moyen d’endettement de l’État français, si on en croit les chiffres de l’Agence France Trésor (Agence d’État qui gère la dette), n’est que de 0,5 % pour l’année 2019. Bref, nous sommes loin de taux allant jusqu’à potentiellement étouffer l’État. À noter que le coût de l’endettement de l’État a plutôt tendance à diminuer ces dernières années.

Par ailleurs, non seulement les taux d’intérêts sont loin de nous ruiner, mais en plus, sur certaines des obligations qu’il émet, l’État emprunte avec des taux négatifs. Autrement dit, ce sont nos créanciers qui donnent de l’argent pour détenir de la dette de l’État au lieu d’en recevoir. Cela s’explique par la confiance qu’inspire la France pour ses créanciers. En effet, avec l’activité économique se portant encore relativement bien, ils sont nombreux à vouloir de la dette française dans leurs portefeuilles d’investissement, notamment pour garantir des investissements plus risqués. En résumé, le coût de l’endettement a tendance à diminuer ces dernières années.

À noter que cette confiance qu’accorde les créanciers envers l’État français, ce qui lui permet donc de se financer à des taux relativement bas voire négatifs, est aussi en lien avec la politique pour l’emploi. En effet, avec l’État qui subventionne massivement les entreprises pour qu’elles créent des emplois et les banques centrales qui maintiennent des taux directeurs très bas depuis plusieurs années dans le même objectif, les investisseurs affluent en masse vers la France et le reste des pays occidentaux et investissent massivement dans les entreprises. Ce qui a pour effet de dynamiser l’activité économique et donc de permettre à l’État de capter de la création de richesse et donc d’inspirer confiance envers ses créanciers, qui vont jusqu’à accepter, comme mentionné précédemment, de payer pour obtenir de la dette de l’État français.

 

Une annulation de la dette aurait des conséquences néfastes sur l’économie

Sur le postulat comme quoi la dette publique nous ruinerait en étant coûteuse en intérêt, certains préconisent de l’annuler dans sa totalité ou en partie. Seulement, cette idée est loin d’être pertinente. Comme mentionné précédemment, la dette n’est pour le moment pas un problème dans les finances publiques. Son poids à même tendance à aller en diminuant depuis quelques années.

En faisant fi de cet état de fait, on pourrait imaginer que l’État annule purement et simplement sa dette. Mais en quoi est-ce dramatique ? Ce serait tout simplement la ruine de l’État, et donc du pays. En choisissant de faire faillite, ceux qui ont investi dans la dette de l’État se retrouveraient tout simplement ruinés. Or, je rappelle que 18 % de cette dette est détenue par des particuliers via leur assurance vie, ce qui reviendrait à ruiner nombre d’épargnant. Ce serait aussi la ruine des retraités étrangers si leur fond de pension a investi dans de la dette de l’État français. Bref, de nombreux acteurs économiques se retrouveraient tout simplement ruinés. Ce qui compromettrait la capacité de création de richesse du pays suite à la baisse de pouvoir d’achat des ménages ayant perdu leurs épargnes suite à la faillite de l’État. Ce qui induirait une baisse des bénéfices des PME et autres entreprises. Ce qui entraînerait une baisse des rentrées fiscales, notamment en TVA et autres impôts suite à cette baisse de pouvoir d’achat global.

Seulement, cela ne va pas simplement s’arrêter là. En ayant perdu de l’argent après une hypothétique faillite, la confiance des créanciers, résidents comme étrangers, serait rompue. Plus personne ne voudrait prêter en achetant des obligations à l’État. De ce fait, il lui sera très difficile de se financer. Ce qui induira que l’État devra réduire sa voilure dans les services publics qui assurent le confort de la population. Autrement dit, plus de protection sociale (assurance maladie et retraite), plus d’aides sociales pour les plus vulnérables, plus de financement des infrastructures, sans parler du problème pour l’État de financer de quoi assurer ses fonctions régaliennes (défense, monnaie, diplomatie, justice, etc.). Comme mentionné précédemment, le pouvoir d’achat global se mettrait donc à diminuer considérablement. Ce qui au passage alternerait la confiance de ceux qui investissaient massivement dans les entreprises privées. En effet, voyant leur marché diminuer, elles perdraient de l’argent. Ce qui rendrait difficile l’accès au financement pour se développer. Avec cette baisse d’activité économique, l’inflation commencera à se faire sentir avec la baisse de la valeur de la monnaie. En effet, la contre-valeur de la monnaie étant l’activité économique, si l’activité ralentit, sa valeur diminuera aussi. Ce qui fera perdre encore d’avantage de pouvoir d’achat à la population, déjà exsangue par le chômage induit par la baisse de l’activité économique et l’absence d’aides de l’État, faute de moyen de financement. Bref, ce serait la ruine à tous les étages. C’est la situation que traverse actuellement l’Argentine après avoir fait faillite il y a une vingtaine d’années.

Il faut savoir qu’avec l’élévation du niveau de vie de la population, notre système économique s’est complexifié. Au siècle dernier, 80 % de la population était rurale, frustre, inculte et affamée. Ce qui signifiait que si l’État avait des difficultés, cela ne concernait pas les populations qui ne pouvaient vivre autrement que par la subsistance. Même s’il y avait de l’inflation, cela ne les concernait pas non plus puisqu’ils n’avaient pas non plus de monnaie en réserve sur un compte bancaire. De plus, les infrastructures et les services que l’État rend à la population actuellement n’existaient pas. Bref, dans ces conditions, les États pouvaient se permettre de faire faillite pour se relever par la suite. Notamment à la suite d’une guerre où les États étaient souvent endettés à l’équivalent de plusieurs fois leur produit intérieur brut. Mais à une époque où l’Occident dominait le monde par ses colonies, où il se procurait matières premières et main d’œuvre, et en étant la seule contrée industrialisée du monde, cela aidait aussi à faire en sorte qu’une éventuelle faillite ne soit pas trop douloureuse.

 

Emprunter à taux zéro auprès des banques centrales pour créer de la monnaie ?

Certains avancent qu’au lieu que ce soit des créanciers privés qui financent l’État, il faudrait que ce soit la banque centrale qui émette de la monnaie, sans intérêts, à la place. Ce qui selon les tenants de cette théorie serait moins coûteuse car il n’y aurait plus d’intérêts à payer et qu’il serait plus légitime que l’État émette sa propre monnaie sans contrepartie.

Sauf qu’en réalité, cette théorie n’est pas viable économiquement parlant. En effet, émettre de la monnaie sans contrepartie, autrement dit sans avoir créer de la richesse en ayant financé un projet d’entreprise par exemple, conduirait à une baisse de la valeur de cette même monnaie. Ce qui aboutirait à de l’inflation puisque les acteurs économiques doivent compenser la perte de valeur de la monnaie en augmentant leurs prix. Puisque la valeur de la monnaie repose sur l’activité économique, si de la monnaie est émise ex nihilo sans que de l’activité économique supplémentaire ne soit créé, cela ne fera qu’augmenter la quantité de monnaie en circulation. Donc avec une offre supérieure de monnaie par rapport à la demande, sa valeur chute. Et c’est ainsi que cela aboutit à une inflation.

C’est à propos de cela que Thierry Curty a écrit un article qui démystifie les rumeurs autour de la Loi Giscard de 1973, qui explique plus en détail en quoi émettre de la monnaie sans contrepartie n’est pas viable économiquement parlant ainsi que la véritable raison de l’augmentation de l’endettement de l’État.

 

Une dette essentiellement due à la politique pour l’emploi

Le problème à l’heure actuelle, c’est que les politiques budgétaires dilapident des masses de capitaux pour créer des emplois, qui pour la majorité d’entre eux ne servent à rien, sinon simplement à donner du travail au plus grand nombre. Sauf qu’on voit que cela ne mène nulle part puisque l’automatisation fait que les entreprises ont de moins en moins besoin de salariés pour produire les biens et les services.

Malgré un subventionnement massif et systématiques des entreprises, le nombre d’emploi crée n’a pas été significatif. On subventionne en priorité les vieilles industries du fait que leur mode de production crée beaucoup d’emploi. Seulement, ce trop-plein de salarié induit une dilution de la masse salariale, ce qui l’empêche d’augmenter, faisant ainsi stagner les salaires. L’autre problème, c’est que leur production à faible valeur ajoutée entre en concurrence avec les produits des émergents qui maintenant savent produire ce que nous produisions il y a encore trente ans. Les prix doivent donc être d’avantage tirés vers le bas pour ne pas que nos entreprises perdent des parts de marché. Seulement voilà, cette stratégie de produire bon marché ne produit que peu de richesses, ce qui limite aux entreprises la possibilité d’augmenter les salaires, malgré les subventions. Sans compter que cela diminue également la possibilité pour l’État de récupérer sa part.

C’est sans compter sur les nombreux avantages fiscaux accordés aux entreprises. Depuis un certain temps, et ce dans le même objectif d’incitation à créer des emplois par les économies d’impôt générées, on a considérablement diminué l’impôt sur les sociétés. Les bénéfices devenant de moins en moins taxés, l’État ne peut plus récupérer sa part de création de richesse. C’est d’autant plus absurde que les entreprises redistribuent de moins en moins leur création de richesse du fait que, comme mentionné précédemment, elles créent de moins en moins d’emplois, faute d’en avoir l’utilité. Alors que de l’autre côté, les économies d’impôts générés sont parties, à l’instar des subventions, dans les poches des actionnaires et des patrons.

 

Une politique pour l’emploi qui s’avère être un gouffre sans fond financier

Cette baisse de pouvoir d’achat induite par des salaires peu élevés dans les emplois créés ou préservés n’est pas sans conséquence sur le coût d’un tel dispositif. Le pouvoir d’achat diminuant, les individus ne peuvent plus consommer autant, ce qui limite la création de richesse et donc les rentrées fiscales par la taxation. Ce qui accroît le déficit de l’État, qui du coup n’a pas d’autre choix que de compenser par la dette. Dette dont les intérêts seront payés par la taxation de contribuables qui seront de plus en plus sous pressions.

Ces dispositifs sont d’autant plus coûteux qu’ils sont de véritable transfert d’argent de la poche du contribuable, qui paye ses impôts, vers celles des riches qui n’en paient que très peu. En effet, les entreprises n’ayant pas besoin d’autant d’emplois pour créer les biens et les services, le surplus induit par les subventions et les baisses d’impôt permettent d’augmenter artificiellement la rentabilité des entreprises. Entreprises qui peuvent se permettre de verser de plus en plus de dividendes pour maintenir un bon rendement sur des actions qui du coup valent de plus en plus chères au vu de la confiance que cela génère pour les investisseurs qui du coup achètent de plus en plus.

 

Il faut accepter la fin du travail pour cesser cette coûteuse politique consistant à créer des emplois

Dans le contexte actuel, il n’y a qu’une façon de mettre un terme à cette spirale des dépenses infinies de l’État. Dépenses qui doivent être continuellement compensées par de la dette. Cette solution, c’est d’amorcer la Transition Sociétale en acceptant la fin du travail et ainsi adapter la société en conséquence.

Il est désormais possible pour les entreprises de se passer des individus pour produire les biens et les services. Mais c’est justement dans ce contexte qu’il faut saisir l’occasion non seulement de libérer les individus de l’obligation de travailler pour gagner leur vie, mais en plus de faire émerger une nouvelle économie collaborative qui sera bien plus vectrice de création de richesse que cet absurde politique pour l’emploi.

Cependant, pour faire en sorte que les individus s’organisent pour s’adapter à la nouvelle économie qui s’en vient, il faut que l’État prenne des décisions de sorte que le travail ne soit plus une obligation pour les individus de gagner leur vie. Cette alternative aux revenus du travail sera la micro-activité.

 

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