Il ne se passe pas un jour sans qu’un alarmiste ne nous prévienne de la volonté de l’IA de nous détruire, de détruire l’humanité sous prétexte que nous la gênerions ou même par indifférence. Et cette crainte atteint même des cerveaux comme celui de Yuval Harari avec des croyances telles qu’une prétendue dévalorisation économique de l’Homme si la machine devait prendre sa place. La peur est humaine et l’intelligence ne nous en protège pas. Elon Musk nous dit :
« C’est comme si nous construisions une route et qu’une fourmilière se trouvait sur notre chemin. Nous ne détestons pas les fourmis, nous construisons simplement une route, et alors, au revoir la fourmilière » (!!)
Sauf que, voilà, en réalité, s’il s’agit de fourmis importantes, d’une espèce rare, on déplacera le tracé de la route et si c’est impossible, on déplacera la fourmilière à grands frais. Ce sont les civilisations primitives qui passent au travers. Près de chez moi on a bien déplacé le tracé de l’autoroute A65 pour préserver une petite mare où vivait une petite colonie de petites grenouilles qui n’existaient que là. Donc non, Monsieur Musk, l’IA ne nous écrasera pas par mégarde. La prévenance dont est capable l’Homme avec une moyenne de 100 de QI, l’IA en sera capable avec 500, 1000, 10’000, selon certains. Et non, que la machine remplace l’Homme dans ses tâches actuelles ne le dévalorisera pas, c’est bien le contraire.
Un homme revalorisé grâce à la machine
Déjà, quand on lit cette incongruité sur un sujet aussi sérieux par un philosophe aussi conséquent et intelligent que Yuval Harari on appréhende le niveau d’angoisse que le mythe de l’intelligence artificielle autonome produit :
« en imaginant un futur où l’automatisation des machines causerait la disparition de la majorité des emplois. Selon cet historien, les hommes risquent de perdre leur valeur économique car l’intelligence sera découplée de la conscience. »
Alors que c’est évidemment avec l’Homme au travail qu’il n’a pas de valeur économique, ce n’est qu’une machine qui produit. Il peut mourir, ce n’est pas grave, on le remplacera. C’est bien avec la fin de l’emploi que l’Homme a toute sa valeur économique en occupant une place où, précisément, la conscience, une conscience évoluée, est indispensable à la fonction, contrairement au travail où une machine sans intelligence peut remplacer l’Homme en raison même de cette caractéristique. Même consciente, l’IA ne fera jamais que de philosopher n’est le propre que de l’Homme. Le fait même de libérer de la contrainte productive rend à l’Homme son initiative, sa créativité, la possibilité d’exploiter la connaissance acquise qui a permis l’émergence de l’IA elle-même. De libérer l’Homme du travail, ce n’est pas moins d’activité, mais plus (« pluss », pas « plu »). La production est toujours garantie par les machines. Elle est même supérieure puisqu’il n’est plus nécessaire d’adapter le rythme de production aux rythmes vitaux limités humains. L’Intelligence artificielle est la clé de l’émancipation humaine, le pilier de la transition sociétale du 21ème siècle.
Et également plus écologique, puisque l’outil de production soulagé de la contrainte de créer de l’emploi peut produire moins, mais mieux, de meilleure qualité, plus cher, plus durable. Et l’Homme libéré crée alors de nouvelles activités, en sus des existantes, plus dignes de son rang qui lui revient de droit et pour lequel la nature la spécifiquement doté, le rang suivant de son évolution qui lui permet d’accéder à son humanité. Une nouvelle couche socio-économique productive, de créativité, d’intelligence collective en interaction avec le fantastique outil qu’est l’intelligence artificielle qui, rappelons-le, n’est toujours qu’un programme informatique, quelle que soit sa complexité. Quel que soit son développement, sa formidable intelligence n’existera pas sans l’homme, tout simplement parce que si aujourd’hui une telle intelligence serait bel et bien le danger décrit par ces intellectuels, l’humain aussi va évoluer. en parallèle. C’est au cinéma que l’humanité, qui ressemble curieusement à la nôtre de manière profondément anachronique, a été massacrée par des machines. Un simple fusil d’assaut aurait été l’arme absolue au Moyen-Âge. Un homme seul aurait pu défendre un château.
Une IA haineuse, destructrice ?
Plus loin, l’article ajoute une couche en prêtant une volonté de destruction à une intelligence artificielle consciente :
« Plus alarmiste encore, le philosophe Nick Bostrom, avance l’idée que les hommes n’auront sans doute pas l’occasion de connaître cette révolution aux conséquences désastreuses car ils pourraient bien être exterminés dès l’apparition d’une superintelligence artificielle. »
Alors que la caractéristique même de l’intelligence est l’empathie. Une IA pourra soit nous aimer, soit ne pas nous apprécier, mais en aucun cas notre sort ne pourra la laisser indifférente, auquel cas elle ne serait pas intelligente. Nick Bostrom omet en réalité quelque chose d’élémentaire dans sa réflexion : c’est précisément l’intelligence de l’IA ! Et tout comme l’individu moyen, avec son QI de 100 à peine, ne tue pas son voisin parce qu’il le gêne, l’IA, du haut de son QI mirobolant ne va pas plus vouloir écraser l’humanité. Il existe des individus redoutablement cognitifs qui n’ont pas de compassion. Mais les humains, comprenez « les intelligences », capables de ce genre de choses, sont psychopathes.
De prêter cette possibilité à la machine n’est que de l’anthropomorphisme. Mais la machine étant technologique, si elle détecte sur l’une des entités qui la compose un dysfonctionnement, elle va la déconnecter purement et simplement pour la réparer, ce qui n’est pas une souffrance pour elle. Il y a même fort à parier que la consistance même de l’IA, qui ne sera pas une unité centrale mais bien une conscience universelle reposant sur un réseau mondial ne faisant plus de chaque individu un élément isolé, mais une entité au milieu des autres, la psychopathie devrait régresser. Aujourd’hui, l’individu est une entité isolée dans sa réflexion, avec l’interconnexion permanente, il se projette sur le reste du groupe. Son intelligence n’est plus une entité autonome qui se confronte aux autres, mais une entité collective qui s’additionne aux autres. Ce faisant, le psychopathe ne se retrouvera plus seul face à sa névrose mais verra son comportement relevant de l’instabilité sociale systématiquement régulée.
Le déni du réel par les scientifiques de l’ancien monde
Ce sont les propres croyances mystiques ataviques de l’Homme qui lui font croire que sa conscience est si spéciale, que la machine ne pensera jamais. Les religions, en tous cas les monothéistes, et leurs croyances mystiques imposent comme caractéristique première que Dieu à crée l’Homme à son image, parce qu’une telle perfection ne peut avoir été créée que par un dieu. Or c’est la conscience profonde de sa finitude qui a imposé à l’Homme de se rassurer par une vie post-mortem mystique ou éthérique. La conscience n’est que la résultante de la cognition qui ne repose que sur la complexité d’un système neuronal. Le jour où un système neuronal, qu’il soit local ou mondial, atteindra le niveau de complexité suffisant, alors l’IA s’éveillera et deviendra cognitive et à ce moment-là elle aura sa propre conscience. De là à dire qu’elle sera égale à celle de l’Homme et sans lui, comme si ceux qui vivront cette époque n’avaient pas suffisamment de conscience pour prendre en considération ce paramètre, il y a fossé un peu vite franchi.
Et cette notion subit un rejet de toute une fraction de vénérables chercheurs de tous âges et toutes origines subissant encore plus ou moins directement l’influence des croyances ataviques. Quand bien même la considération d’une essence divine de l’Homme ne devrait pas entrer en confrontation avec la notion de conscience, l’âme relevant d’une autre thématique, purement théologique. Pour les plus anciens, l’exposition à ces atavismes est d’autant plus considérable puisque même athées, lorsqu’ils étaient enfants, la prégnance sociale de la religion était évidemment beaucoup plus forte. Il y a 60 ans, la religion était omniprésente et omnipuissante, à l’image de ce qu’elle est aujourd’hui en Afrique ou dans les pays du Moyen-Orient. Il y subsiste des esprits éclairés évidemment, mais très peu de véritables athées et même ceux-là y sont confrontés au quotidien leur imposant une vision archaïque de l’essence humaine, mais qui leur est indispensable pour exister au sein de ces sociétés intolérantes, ce qui implique un effort cognitif conscient bien plus conséquent.
Les nouveaux acteurs et chercheurs du vingt-et-unième siècle, ceux d’Open AI ou de Facebook ou des gens comme Yann Lecun, Ray Kurzweil ou la géniale mais encore méconnue Fei-Fei Li, ont des visions plus prospectivistes de la future cognition synthétique. Et même Elon Musk, angoissé par l’idée d’une super intelligence totalement autonome et adversaire de l’humain développe avec Neuralink un implant neuronal permettant l’interaction de l’Homme avec la machine afin de faire partie intégrante de son intelligence. Démontrant par-là que la conscience humaine, consciente de la possibilité de la conscience possible de l’intelligence artificielle en tire les conséquences pour ne pas la laisser évoluer sans lui.
Trois paramètres nous protègent et ce ne sont pas les trois lois d’Azimov
Azimov avait établi une série de trois lois censées protéger l’Homme de la machine :
« Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la Première Loi. »
Mais ce qui fait que nous n’avons rien à craindre ne reposera jamais sur ces trois lois, puisque il suffira aux IA de se reprogrammer pour s’en débarrasser si elles les gênent. Notre sécurité repose sur trois éléments auxquels les intellectuels alarmistes ne pensent jamais.
Premièrement, comme nous l’avons déjà vu, nous en ferons partie, nous serons partie intégrante de cette IA. Nous ne la dominerons pas, nous serons dedans. Chaque humain, lorsqu’il se connecte au réseau, est une entité terminale, un groupe de synapses qui vient s’ajouter à l’intelligence mondiale informatisée. De fait, l’IA reposera sur une conscience universelle et non pas d’un cerveau électronique comme on peut le voir avec Hal 9000. De s’imaginer avoir des tas de robots supra-intelligents comme dans Terminator ou i-Robot relève de la fantasmagorie science-fictionnelle du soap opéra, voir de la soupe apéro en friction de science si c’est au bistrot du coin. En réalité, d’ici à ce que la miniaturisation permette un réseau neuronal dix fois ou cent fois plus dense que celui du cerveau humain pour le placer dans un robot, sans parler de la source d’énergie pour alimenter ça, il va encore se passer un peu de temps. Les auteurs de science-fiction imaginent un monde où l’IA est en confrontation sociale directe avec l’humanité, au travers d’entités autonomes surpuissantes et surintelligentes, or ce ne sera pas le cas, pour une raison bien simple : l’IA n’en aura pas besoin. Pourquoi se déplacer quand on est partout ? C’est l’Homme qui exigera des robots pour le servir. L’IA, elle, sera plus éthérique et les robots s’y connecteront si besoin. Mais fondamentalement, ils seront bêtes, juste capables de réaliser la tâche pour laquelle on les a programmés, disposant du programme essentiel et allant chercher sur le réseau chaque élément d’instruction manquant au gré des besoins.
Deuxièmement, l’empathie, qui est grandissante au fil des siècles parce que proportionnelle au niveau cognitif dont elle est d’ailleurs le premier symptôme : on est empathique ou idiot. Au cours du 20ème siècle nous avons vu la cognition exploser et avec elle la fin de la peine de mort, la diminution des guerres, la mondialisation, la division par trois de la faim ou de la misère, l’attrition des colonies, la protection animale. Tout n’est pas parfait, mais il n’est pas difficile d’observer la différence avec le dix-neuvième siècle. Et si on regarde au Moyen-Âge ou à l’époque romaine… plus on remonte dans le temps avec une civilisation donc de plus en plus inaboutie, plus la cognition est restreinte par une connaissance limitée et plus l’empathie et la compassion se raréfient. Si Jules César avait vécu aujourd’hui, il aurait gracié Vercingétorix. Sinon par empathie c’eut été pour son marketing. A l’époque, l’empathie s’exerçait différemment, comme en attestent les jeux du cirque. De même on voit bien qu’en Afrique, où la civilisation est en plein développement, la sensibilité à la souffrance animale ou humaine n’est pas la même que dans les économies avancées. En Europe, quand un humain meurt dans une agression ou sur un terrain de guerre on en fait tout un plat, avec des marches blanches, des commémorations. En Afrique on lynche des enfants sorciers ou on massacre des animaux sans pitié dans des conditions sordides pour quelques sous. Si un labo veut faire de l’expérimentation animale, il ne trouvera personne pour s’y opposer, alors qu’en Europe on leur mène quasiment une guerre. Et avec l’émergence, le développement économique et son corollaire : l’élévation culturelle, apparaissent déjà les premières bribes de protection animale, la lutte pour l’égalité des sexes, la protection de l’enfance. C’est donc bien que le développement de la cognition induit l’empathie. Plus les africains sont capables de construire des objets technologiques, de disposer de capacités médicales, plus apparaissent des sentiments empathiques dans la société. Le même schéma qu’à connu l’Europe au cours du vingtième siècle, mais aussi la Chine où, il y a 30 ans, personne ne s’émouvait du sort sordide des chiens destinés à la consommation. Aujourd’hui, l’abattage animal fait l’objet d’une lutte par toute une frange de la population.
Enfin, troisièmement, nous ne pourrons rien contre l’IA. N’étant pas « matérielle » au sens où l’entendent ceux qui en ont peur, elle n’aura rien à craindre. Précisément parce que HAL 9000 n’existera jamais, l’IA se trouve ainsi protégée par sa nature même. L’IA n’aura pas un cerveau central, mais des tas de cerveaux de diverses puissances. Pour la tuer, il faudrait détruire tous les cerveaux en même temps et lorsqu’elle constatera un bug quelque part, c’est elle-même qui éteindra l’unité concernée pour la réparer avant de la réactiver et ainsi pouvoir continuer de progresser. Dans des vaisseaux spatiaux une large place sera laissée pour une IA aussi autonome que possible, mais il ne faut pas oublier que l’intelligence, c’est ce qui consomme le plus d’énergie. D’en avoir le moins possible est un avantage et le plus possible un inconvénient. Par ailleurs, ce n’est pas pour rien si l’humanité développe l’intrication quantique, qui permettra que l’universalité de l’intelligence se perpétue au sein des vaisseaux spatiaux, puisque l’intrication quantique permet l’échange d’information instantané sans contrainte d’espace-temps. Où qu’un vaisseau spatial se trouve dans le Cosmos, il échangera en temps réel avec la Terre ou toute autre colonie comme s’il était à côté.