Article écrit en 2011 et grossièrement mis à jour en 2021.
La rumeur a enflé sur le web, c’est la Loi de 73 qui est responsable de l’endettement. Giscard, ce « vendu à la Banque Rotschild, aux comptes de laquelle il a émargé, c’est dire si c’est un traître », à bradé l’économie de la France aux américains. Un propos qui a évolué depuis, précisant que l’Etat ne peut emprunter « gratuitement » à la Banque de France.
D’ailleurs, cette loi, ne l’appelle-t-on pas « Loi Rotschild »?
Cette loi, affublée de tous les défauts, aurait en plus celui bien caractéristique « d’interdire à l’Etat d’emprunter à sa banque centrale », ce qui soumettrait la nation aux marchés et donc l’endettement puisque l’Etat se trouverait alors contraint d’émettre des obligations pour se financer.
Non, ce n’est pas le cas!
La loi 73-7 dite « Pompidou-Giscard » n’a bien évidemment rien à voir avec l’endettement. Et pour cause, contrairement à ce qui est prétendu, elle n’interdit nullement d’emprunter à la banque centrale. Le propos a d’ailleurs sensiblement évolué puisqu’aujourd’hui on trouve de plus en plus de monde pour préciser qu’en fait, finalement elle n’empêche pas l’Etat d’emprunter à la BF, mais le contraint à payer des intérêts. Un comble, c’est tout juste si ce n’est pas pire que de ne pas pouvoir emprunter.
Explications :
l’article 19 de la loi autorise expressément l’Etat à « obtenir des emprunts et des avances ». Simplement, pour cela, avec la L73-7, appelée pompeusement « Pompidou-Giscard » ou « Loi Rotschild » par ses détracteurs, grands primaires devant l’Éternel, l’État devait obtenir l’agrément des gouverneurs de la Banque de France, nommés par lui, donc autant dire qu’ils étaient d’accord, du Sénat et du Parlement. Ce qui ne pose aucun problème lorsque le Président est issu de la majorité.
En outre, la loi autorisait également le Trésor à obtenir des avances à concurrence de 950/1000 des rentrées fiscales prévues sans conditions. Le terme « avances » impliquant donc le remboursement obligatoire à fin de destruction de la monnaie crée pour l’avance, une disposition non contraignante puisque si elle n’est pas respectée, l’emprunt ira simplement gonfler la masse monétaire.
L’article incriminant est l’article 25 qui stipule que « l’État ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Autrement dit, l’État ne peut bénéficier de l’escompte, ce qui signifie qu’il doit payer des intérêts sur ses emprunts.
Cette loi date en vérité de l’avant-dernière révision de la LBF (Loi sur la Banque de France) en 1936, alors privée. Nationalisée en 1946, c’est de toute façon l’État emprunteur qui encaisse les dividendes, constitués, entre autres, des intérêts qu’il a versés. S’il ne payait pas des intérêts, la banque devrait être subventionnée pour couvrir ses frais de fonctionnement au lieu de dégager du bénéfice et verser des dividendes. De payer des intérêts à un organisme qui vous appartient revient à vous augmenter votre revenu puisque c’est vous qui encaissez ses bénéfices. C’est facile à comprendre et il n’y a pas à faire 36 ans d’université pour ça.
C’est en 1994 que l’État ne peut plus emprunter à la Banque de France
C’est la loi 93-980 de 1993, écrite par Jacques Delors dans le cadre de la finalisation de l’Acte Unique en vue de sa mise en application et signée par Edouard Balladur, Luc Alphandéry et François Mitterrand, qui interdit à l’Etat d’emprunter à la banque centrale et qui fait de la Banque de France une simple représentation nationale de la Banque Centrale Européenne en formation. Cette loi n’était que la continuité logique de l’Acte Unique Européen dont Jacques Delors était le principal éditeur.
C’est à partir de cette époque que l’endettement à commencé. Les détracteurs de la loi de 73 utilisent d’ailleurs un graphique, authentique à la base, c’est son application qui pose problème, qui démontre bien que la France était peu endettée à cette époque-là…mais en l’interprétant à leur manière, ce qu’expriment parfaitement les petits commentaires rapportés. Je le récupère pour imager mon propos afin d’éviter qu’on ne me suspecte de manipulations, chose très courante par les temps qui courent :
La loi de 73 était une loi de modernisation de l’économie, tout simplement. Elle mettait un chouilla d’ordre dans le fatras de décrets, d’arrêtés qui composaient la loi. Des milliers de documents apparus depuis la dernière révision de 1936 et qui n’étaient plus conformes aux préceptes démocratiques instaurés par la Vème République, introduite en 1958 qui décrétait que toute décision de l’État devait être soumise au Parlement. Autrement dit, cette loi 73-7 soumet la création monétaire à la démocratie parlementaire.
De plus, elle extirpait l’État du centre de l’économie et l’installait avec les autres acteurs, en périphérie, Banque de France incluse. Ainsi, chaque acteur peut interagir en direct avec les autres. L’économie est plus dynamique dans un monde financier globalisé. En émettant des obligations l’Etat stimulait l’économie, mais rien ne l’y contraignait, ce n’était qu’une latitude de gestion.
Mais, surtout, la loi de 73 soumettait les décisions financières de l’État à la démocratie, conformément aux préceptes de la Vème République du Général de Gaulle. Jusque-là, l’État pouvait librement emprunter à la Banque de France ce qui, le cas échéant, engendrait de l’inflation.
La L73-7 a été abrogée avec la L93-980 Mitterrand-Balladur-Alphandéry qui l’a rendait caduque puisque, justement, avec la loi 73-7 l’État pouvait emprunter à la Banque de France alors qu’avec la loi 93-980, tout emprunt à une banque centrale appartenant au réseau de banques centrales de l’Union Européenne devenait interdit.
Le contenu réel de la loi de 73.
La loi de 73 :
- Article 2 : « La Banque de France est seule habilitée à émettre des billets qui sont reçus comme monnaie légale sur le territoire de la France métropolitaine. Elle assure, par l’intermédiaire des comptes ouverts dans ses écritures, les règlements et mouvements de fonds entre les établissements bancaires et financiers » (ndlr : donc elle a un contrôle sur la monnaie papier, elle est bien délégataire de l’Etat).
- Article 5 : « La Banque de France est habilitée à se faire communiquer par les établissements bancaires et financiers tous documents et renseignements qui lui sont nécessaires pour exercer ses fonctions » (ndlr : donc la BDF a bel et bien toujours le contrôle de la monnaie…sous l’égide de l’Etat).
- Article 19 : « Les conditions dans lesquelles l’État peut obtenir de la Banque des avances et des prêts sont fixées par des conventions passées entre le ministre de l’économie et des finances et le gouverneur, autorisé par délibération du conseil général. Ces conventions doivent être approuvées par le Parlement » (ndlr : donc l’Etat peut bel et bien obtenir de l’argent de la BDF, et rien ne le contraint à rembourser).
- Article 20 : « La Banque de France peut faire, pour son propre compte et pour le compte de tiers, toutes opérations sur or, moyens de paiement et titres libellés en monnaies étrangères, ou définis par un poids d’or. La Banque de France peut prêter ou emprunter des sommes en francs à des banques étrangères, institutions ou organismes monétaires étrangers ou internationaux » (ndlr : donc la BDF peut créer de la monnaie puisqu’elle peut prêter à l’étranger, donc émettre de la monnaie sur le marché librement).
On voit, avec cet éclairage, combien toutes les accusations infâmantes (traître ayant vendu la France aux américains, Hérault de la Banque Rotschild agissant à sa solde, etc…) portées contre l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing, ainsi que toutes les affirmations portant sur cette loi sont tout bonnement absurdes et infondées.
L’Europe, principes fondateurs.
Comme nous l’avons vu plus haut, c’est la loi 93-980 qui a interdit à l’Etat d’emprunter à la banque centrale.
- Article 3 : » – Il est interdit à la Banque de France d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics. L’acquisition directe par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite. »
…Difficile de faire plus clair…
D’interdire l’accès à la banque centrale aux Etats relève d’un processus logique et bien intentionné. L’Acte Unique Européen, dont Jacques Delors est un des principaux contributeurs, est l’acte fondateur de l’UE. Il induit que lorsqu’un État à de la croissance, cette croissance bénéficie à tous les acteurs de l’UE. Ainsi, les périodes maigres des uns sont compensées par les périodes grasses des autres, au gré des cycles économiques naturels avec une finalité stabilisatrice évidente.
C’est la croissance qui permet l’augmentation de la masse monétaire sans engendrer d’inflation. Puisque la croissance, c’est de la richesse. Par conséquent, lorsque un pays a de la croissance, cette croissance bénéficiant à tout le monde, c’est la masse monétaire européenne qui augmente, et non pas seulement la monnaie de l’État qui a apporté la croissance. De facto, lorsque un pays travaille bien, il enrichit les autres. La France représentant grosso modo 17% de la masse monétaire européenne, seulement 17% de cette émission de monnaie lui bénéficie. Le reste étant réparti entre les acteurs (dont près de 30% à l’Allemagne, ce qui n’est pas rien). En revanche, la France enrichit ainsi ses partenaires qui ont donc les moyens d’être ses clients et qui sont ainsi responsables de sa croissance qu’elle a partagé avec eux.
Si cette règle n’était pas respectée, que chaque nation émette elle-même sa monnaie au gré de l’augmentation de sa richesse nationale, la parité entre la monnaie nationale et l’Euro évoluerait, puisque la part monétaire du pays augmenterait. Les plus riches représenteraient toujours plus de masse monétaire face aux plus pauvres…ce qui est exactement le système sans l’UE, c’est le problème d’égalité entre les nations que résout l’Acte Unique, qui résulte donc clairement d’une bonne intention.
Pour la France, la parité Franc-Euro a été déterminée à un coût fixe de 6.55957. Si la France émettait de la monnaie sans avoir de croissance, elle affaiblirait le Franc et la parité évoluerait, fort logiquement. Si une nation émet de la monnaie, donc inflate sa masse monétaire, forcément, elle dévalue sa monnaie nationale de base, là aussi, la parité change, la France devient plus riche, puisque le Franc est plus fort face à l’autre monnaie qui est dévaluée.
Alors que si sa production monétaire est répartie, grâce à l’Euro, c’est la valeur de l’Euro qui change et sa parité avec les diverses monnaies nationales ne change pas.
Pour éviter d’être soumis à cette contrainte de partager entre tous les acteurs de l’UE, les États ont une option simple : émettre des obligations sur le marché concurrentiel. C’est cette option que dénoncent les détracteurs de la loi de 73.
Qu’à apporté la loi de 73?
Avant cette loi, l’État pouvait librement créer de la monnaie dans un pouvoir purement monarchique. Ce qui ne signifie pas que ça soit bien et démocratique comme les détracteurs le laissent entendre. Lorsque l’État émet de la monnaie sans contrepartie, sans croissance, c’est l’inflation, les prix montent, le pouvoir d’achat baisse si les salaires ne suivent pas et l’inflation produit des tas d’autres effets plus que discutables. Elle a ses avantages, mais aussi ses inconvénients.
La moindre des choses est de demander l’avis des représentants du peuple. Et c’est ce que cette loi change en induisant que pour obtenir de l’argent de la banque centrale l’État doit désormais obtenir l’aval des Gouverneurs de la Banque de France, du Ministre de l’Economie et du Parlement. Ainsi, si la croissance n’est pas avérée, ou si les autres acteurs ne sont pas d’accord avec le projet soumis, l’argent est refusé, les représentants du peuple ont donné leur avis, la démocratie a parlé.
La L73-7 laisse néanmoins une latitude de pouvoir monarchique au Président en prévoyant l’emprunt inconditionnel à la Banque de France à hauteur de 950/1000 des rentrées fiscales prévues, ce qui est considérable.
La L73-7 est donc un élément régulateur de la création monétaire non restrictif pour un pouvoir raisonnable.
Plus de démocratie grâce à cette loi.
Les Gouverneurs de la Banque de France sont nommés par le Président, le Ministre de l’Economie l’est par le Premier Ministre. Le Président étant toujours issu de la majorité, le Parlement est en majorité en sa faveur. En situation normale de fonctionnement, cela signifie que lorsque il fait une demande, elle devrait normalement être acceptée, puisque tout le monde est de son bord.
Tout peut toutefois se gâter en présence de cohabitation, comme cela c’est produit sous Mitterrand. Aux législatives de 1986 l’Assemblée a vu l’opposition revenir à la majorité, c’est la droite qui est passée. Mitterrand s’est alors trouvé devant l’impossibilité de fait de commander de la monnaie puisque le but de l’opposition…c’est de s’opposer, en particulier quand l’opposition est la majorité et qu’elle compte bien mettre fin à l’inflation. Raison pour laquelle il n’a pas eu d’autre solution que d’émettre des obligations pour se financer.
Si nous observons le graphique ci-dessous, qui représente l’inflation, nous voyons distinctement que Valéry Giscard d’Estaing dont le mandat s’exerce de 1974 à 1981, qui bénéficie de la loi qu’il a créée sous Pompidou, décédé durant l’exercice de son mandat qu’il a alors remplacé, pour lequel il était Ministre des Finances, produit de l’inflation. Par la suite, on voit que Mitterrand, entré en fonction en 1981, reprend à son compte cette politique monétaire. En 1986, à la première cohabitation, la droite est majoritaire. A partir de ce moment-là, toutes les demandes formulées par le gouvernement pour emprunter de l’argent seront refusées.
Précisément au moment de la cohabitation…terminé, plus d’inflation! La transition est nette : 1985 = 6% (et, précédemment, bien plus, jusqu’à 14%), 1986 = 2%! Il n’y en aura d’ailleurs plus jamais jusque à aujourd’hui, mais à partir de 1994 la question ne se pose de toute façon plus, puisque l’Etat n’a plus le droit d’emprunter à la banque centrale, cohabitation ou pas.
Le mythe de la planche à billets.
Les détracteurs de la loi 73-7 arguent de milliards d’Euros payés en intérêts qu’il n’aurait soi-disant pas été nécessaire de payer si l’Etat avait pu emprunter gratuitement à la banque centrale en lieu et place d’émettre des obligations.
Bien évidemment, cette assertion ne repose sur rien et est même fondamentalement erronée puisque si l’Etat émet de la monnaie sans contrepartie il appauvrit la nation en créant de l’inflation. Une bonne gestion a toujours été de produire autant de monnaie que possible, mais surtout pas plus que nécessaire. Les prix augmentant, les salaires suivant derrière, de sorte que le pouvoir d’achat soit maintenu. Le pouvoir de création monétaire sans contrepartie que détient la banque centrale ne sert qu’à la régulation de l’inflation au gré de la création monétaire naturelle issue du crédit et donc de l’investissement.
En fait, outre que la loi de 73 n’interdisait pas d’emprunter à la Banque de France, elle le permettait donc expressément mais, de surcroît, les présidents Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et Mitterrand à sa suite l’ont fait. Tant et si bien que sur une quinzaine d’années, du début des années 70 à 1986, année de la première cohabitation, la France a connu une inflation moyenne de 10%, atteignant même une année 14%, dévaluant sur cette période le franc de plus de 80%.
Le franc français, qui valait 1 franc français pour 4 francs suisses au début des années 70 ne valait plus que 4 francs français pour 1 franc suisse en 1986, soit exactement le contraire!
Autrement dit, les thuriféraires de l’émission monétaire devraient s’inspirer de cette époque pour observer les conséquences de leur vision absurde au lieu de nier absurdement qu’elle a existé alors qu’elle a tout simplement ruiné la France!
En vérité, l’Etat a TOUJOURS emprunté sur les marchés. C’est comme ça que Versailles s’est bâti. Le Roi Soleil à laissé une France tellement endettée et le peuple était tellement en colère, qu’il a fallu l’enterrer de nuit (enterrer le Roi Soleil de nuit, quand même…).
Plus on remonte dans le temps, plus les distances entre les prêteurs et l’Etat se raccourcissent et plus le nombre de prêteurs potentiels diminue jusque à n’en trouver que dans le royaume. Les échanges financiers impliquant de se déplacer, on ne disposait pas encore du fax ou de l’avion, ce qui allongeait les distances. Ca ne signifie pas que ça ne se faisait pas. On sait que les grecs anciens et les romains le faisaient déjà. Les romains ont rencontré les premiers problèmes de la mondialisation. Alors qu’ils exportaient leurs vins dans des amphores tellement onéreuses qu’elles étaient consignées, sont arrivés des orientaux (eh oui, déjà) avec des amphores jetables. Les usines d’amphores romaines ont alors fait faillite après avoir connu des grèves (eh oui, déjà), de la contestation (eh oui, déjà)… même si le travail n’était pas conforme à ce que nous en connaissons aujourd’hui.
L’évolution de la dette.
Si on reprend le même graphique que plus haut, mais dûment commenté, qui, je le rappelle, est le graphique exploité par les détracteurs et que l’on trouve partout sur le web, que remarque-t-on?
- C’est depuis le début des années 90 (1) que la dette s’envole.
- Sous Mitterrand (période 2 à 3) la dette a presque triplé et l’exposition de la France aux marchés internationaux à augmenté d’un peu plus de 20%.
- Sous l’ère Sarkozy (4 à fin du graphique) l’exposition de la France aux marchés s’est également augmentée d’un peu plus de 20%, mais la dette n’a augmenté que de 50%.
- Sous l’ère de Chirac, en revanche, elle n’a que peu augmenté (3 à 4) (ndlr : Lionel Jospin a été le Premier Ministre de Jacques Chirac sous la deuxième cohabitation. Or Lionel Jospin fût celui qui a privatisé le plus, avec, en Euros compensés, une somme de 210Mds€, ce qui explique la faible augmentation de l’endettement, puisqu’il a trouvé là sa source de financement).
La dette a donc une toute autre origine que le fait que l’Etat ne puisse pas emprunter à la banque centrale, comme on l’a vu.
Ne confondons pas « déficit » et « endettement ».
Les années 70 ce n’est pas seulement la L73-7. Mais également la crise pétrolière, le début de l’automation, l’augmentation du chômage proportionnellement à la baisse de la croissance.
La crise pétrolière de 1971, sur fond de crise au Moyen-Orient (la Guerre des Six jours n’a que 4 ans) est due à Muhammar Kadhafi, qui vient de prendre le pouvoir en Libye. A cette époque, les pays producteurs n’encaissent pour ainsi dire rien. Le baril est couramment plus bas que 1$!! Kadhafi demandera alors de multiplier tout simplement par 4 le prix du baril. Sur cette page vous pouvez trouver un graphique de l’historique du cours et on voit nettement, après 1973, la petite marche qui fait passer le prix du baril d’un facteur un à quatre, consécutive à la volonté de l’OPEP de mieux profiter de la manne, sur quoi venant s’ajouter la guerre du Kippour, l’Egypte tentant de prendre sa revanche sur Israël.
Les conséquences sur l’économie occidentale, à l’époque industrieuse et reposant sur le pétrole, sont considérables. C’est la fermeture des usines, l’apparition du chômage, la fin des Trente Glorieuses.
Voilà alors l’avènement d’un système politique protecteur social-démocrate repoussant dans les cordes de la Société les financiers qui, jusque-là, intervenaient sur l’économie réelle et étaient ainsi contraints à son fonctionnement pour récolter les fruits de leurs investissements qui constituaient la production des financiers. Avec la social-démocratie, l’État prenant en charge l’économie réelle en la stabilisant dans un but de protéger l’ouvrier, les financiers n’étaient plus contraints à son fonctionnement dans la gestion de leur fortune, ils n’étaient plus contraints à une production et, surtout, ils n’étaient plus contraints à un comportement, ils pouvaient déraper tranquillement. A partir de cette époque, alors que la productivité par ouvrier n’avait de cesse d’augmenter, celle-ci va exploser et le nombre d’heures travaillées par des humains en proportion de la création de richesse va diminuer d’année en année d’environ 2%. Le travail disparaissant, les besoins de la population augmentent en proportion et les coûts pour l’Etat aussi alors que moins il y a de salaires, moins il encaisse de charges qui sont également un moyen de financement essentiel pour lui. Pourquoi continuer à investir dans l’économie réelle pour contribuer à ce qu’elle fonctionne si l’État compense tous les travers ? Autant en profiter pour faire ce qu’on veut dans notre carré de sable, non ?
Si vous êtes l’aîné d’une fratrie et que vous accompagnez vos petits frères dans le carré de sable pour les surveiller, vous surveillez également les petits frères des autres, avec d’autres aînés, pour que tout aille bien. Vous fraternisez avec eux tout en guettant d’un œil tous les petits frères de tous les aînés.
…Quand les parents reviennent pour s’occuper de leur progéniture…vous partez, entre aînés débarrassés de la corvée et vous allez procéder à des occupations d’aînés…logique! Depuis cette époque, le chômage n’a eu de cesse d’augmenter à l’aulne de l’industrie progressivement soumise à la robotisation et l’informatisation et la croissance n’a eu de cesse de diminuer sous la pression croissante des émergents. Au lieu d’accepter ce changement et de s’y adapter, les gouvernements successifs, répondant à l’exigence du public, n’ont eu de cesse d’investir des centaines de milliards dans le maintien de l’emploi et de renforcement du néolibéralisme, consistant à favoriser le capital par la liberté d’investissement au détriment de la liberté d’initiative, l’antithèse du libéralisme. Le Code du Travail, constitué de 80 articles à l’époque, en contient 10’000 aujourd’hui (!!!). L’ouvrier est littéralement scellé à l’entreprise sous prétexte de protection contre la précarité du néolibéralisme dérégulateur installé pour préserver l’emploi. Des centaines de milliards également dans des cadeaux aux entreprises, de plus en plus contraintes et qui, mises en difficulté, nécessitent de plus en plus d’encouragements. Cadeaux fiscaux, sociaux, emplois aidés, soutien à la formation, coûts du chômage augmentant… ainsi que la fortune des riches qui augmente exponentiellement de plus en plus vite. La croissance baisse sans cesse, le déficit budgétaire augmente inéluctablement, forcément, l’État a de plus en plus de peine à s’autofinancer et la Loi de 73 n’a strictement rien à voir avec cet état de fait.
Pour financer cette gabegieuse lutte pour l’emploi et contre le chômage, l’État s’est lancé dans un dispendieux processus de dépenses publiques massives pour engendrer artificiellement de l’activité (Multiplicateur keynésien, voir Wikipedia ), via l’économie des conventions. Des chantiers voient le jour partout. La multiplication des ronds-points, justifiés par une prétendue amélioration de la sécurité, en découle directement, c’est également la raison pour laquelle ils coûtent si cher, puisque selon le principe du Multiplicateur keynésien, plus l’État dépense, plus il stimule l’activité. Partant, on soutient les communes dans la restauration de leurs coeurs de villages, la construction de médiathèques, de bibliothèques, de piscines, de plans de circulation urbaine. On dépense de plus en plus, partant du principe que l’influence de chaque sou dépensé se reflétera miraculeusement, par simple insufflation divine, sur la croissance.
Première cause d’origine de la dette.
La première cause se trouve dans la démographie qui a explosé.
Si nous superposons aux graphiques que nous avons plus haut celui de la démographie, nous voyons que les courbes sont relativement similaires.
Lorsque vous investissez, par exemple dans le capital d’une société, vous vous attendez à avoir des retombées, peut-être pas immédiates, mais directes. Pour l’Etat, ce n’est pas le cas, les retombées sont indirectes et à échelle intergénérationnelle. Ceux qui les ont créées engendrent ceux qui en bénéficieront.
Imaginons une région qui se développe, la population augmente, des entreprises s’installent, il y a de plus en plus de poids lourds. Il faut créer des lignes de transports publics, que la collectivité investisse dans des structures d’accueil pour l’enfance, la santé, l’instruction. L’Etat doit élargir une nationale, bien suffisante jusque-là, mais qui ne répond plus aux nouveaux impératifs avec la circulation qui a augmenté. De plus en plus de maisons, de commerces, de camions, de voitures, de trains, de nourriture…
Pour financer leur part, les collectivités ont leur propre source de financement –bien qu’elles soient profondément endettées et qu’on en parle moins, alors que la situation est sinon aussi grave, probablement bien plus grave pour elles. Mais l’Etat, pour payer sa part des infrastructures, élargir la route, la sécuriser par des ronds-points, va émettre des obligations, s’endetter.
Contrairement à vous lorsque vous investissez, le fait d’élargir la route ne rapporte rien à l’Etat, au contraire, ça lui coûte. Mais de faire ça développe la région et, au fil du temps, les bénéficiaires de l’investissement commencent à payer des impôts, c’est donc plus tard que l’Etat récupère ses billes via l’augmentation des rentrées fiscales. De plus en plus d’habitants et d’entreprises qui se sont installés là paient des impôts, dépensent dans les magasins ce qui engendre de la TVA, etc… ce sont des retombées indirectes sur une échelle d’environ une génération (25 ans).
Le graphique ci-dessus exprime parfaitement ce décalage. On voit que la démographie explose au début des années 60, jusqu’en 1965, après, la courbe s’aplanit, la croissance est moins exponentielle. Si vous ajoutez une génération (25 ans) à 1965, vous arrivez à…1990! Or, comme nous l’avons vu dans le graphique précédent sur la dette, c’est à partir de 1990 que la dette explose.
Ceci s’explique très simplement : au début, il n’est pas nécessaire d’investir pour la nouvelle population. Les structures suffisent, les habitants n’ont que peu de voitures, la population est essentiellement rurale.
Au fil du temps les habitants quittent les campagnes et vont s’entasser en ville, achètent des voitures. Les premiers bouchons, il faut assainir, investir, alors on emprunte pour créer les nouvelles infrastructures nécessaires à l’accueil de toute cette nouvelle population. La pression d’investissement se fait de plus en plus forte. La très forte croissance des « trente glorieuses » ayant également apporté des avantages sociaux qu’il faudra maintenir, même en présence de croissance plus faible.
Par le passé, la démographie était tranquille, ça c’est gâté par la suite :
De 1896 à 1940, la population n’a augmenté que de 4 millions d’habitants. Jusqu’en 1960, encore un peu plus de 4 millions. En revanche, de 1960 à 2010, elle a augmenté de 15 millions, soit 2x plus vite.
Plus la population augmente, plus il faut investir dans les infrastructures, logique.
Or, avec une démographie tranquille, stable, normale, l’Etat emprunte, il rembourse tranquillement en rachetant ses obligations. Mais avec une démographie extrême comme la nôtre, l’Etat emprunte pour financer des structures, mais comme les retombées indirectes ne se produisent qu’à l’échelle des générations, il n’a pas le temps de rembourser avant de devoir emprunter à nouveau pour bâtir de nouvelles infrastructures. Comme la démographie ne s’arrête pas, ne se calme pas, il doit de nouveau emprunter. Tant est si bien que les budgets annuels ne suffisent plus à payer les intérêts. Alors l’Etat emprunte pour payer les intérêts. Ces emprunts ne rendront jamais rien, puisqu’ils n’ont payé qu’une fois les intérêts des emprunts précédents et ne serviront par conséquent pas au développement national. Par contre, l’année suivante, les intérêts des emprunts contractés l’année précédente pour payer les intérêts échus qu’il n’a pas pu rembourser viendront se cumuler aux intérêts des investissements…et donc l’Etat va emprunter encore plus pour payer les intérêts des emprunts qui ont servi à payer les intérêts des emprunts…en plus des emprunts nécessaires pour financer les investissements à consentir pour le développement national en suivant la courbe démographique.
…C’est l’emballement…et l’une des vraies causes de l’endettement. L’Etat aurait pu ne pas emprunter et ne pas développer les infrastructures, mais alors le pays n’a plus de croissance autre que démographique et les infrastructures existantes, rapidement insuffisantes pour la population, deviennent inconfortables. Partout sur les routes des bouchons. Les transports publics ne vont pas là où on a besoin qu’ils aillent. Les routes s’usent plus vite, mais on ne les répare pas, elles se défoncent, les nids-de-poule sont de plus en plus profonds. Le pays se dégrade, la population mal soignée dans des établissements bien trop petits grogne, les produits trop rares parce que difficilement transportable sur un réseau de communication déficient voient leurs prix monter, l’inflation apparaît, le pouvoir d’achat est en chute libre…
La seconde cause de l’endettement.
La seconde cause est le capital. Durant les 30 glorieuses, l’inflation était élevée mais durant cette période, la croissance frôlait 8%, jusqu’à 11%, par an. Une croissance supérieure à celle de la Chine aujourd’hui. Avec une inflation aussi élevée, les riches, pour éviter de se voir rogner leur capital, devaient travailler, faire fructifier leur argent, l’investir, financer des entreprises, de l’industrie. Avec une croissance aussi forte, c’était chose –relativement– facile. Mais le capital agissait pour une bonne part dans le financement de l’Economie. La croissance a finit par se tasser et il devenait de plus en plus difficile de trouver à compenser une inflation que Valéry Giscard d’Estaing avait artificiellement maintenue raisonnablement à environ 8%, conscient qu’il était de l’avènement de l’Europe et, un jour, de l’Acte Unique, monétisant alors autant que possible en regard de cet horizon…Mais surtout pas plus que nécessaire afin de ne pas appauvrir la nation, qui s’en retrouvera pourtant irrémédiablement ruinée.
François Mitterrand, lui, reprend cette politique de monétisation et l’amplifie même, poussant même l’inflation jusqu’à 14%, pour financer ses vastes programmes socialistes. C’en est trop pour les riches qui ne parviennent plus à protéger leur capital, avec une croissance devenue moribonde. Le taux d’escompte est faible, les prêts aux entreprises ne rapportent pas suffisamment, la bourse est morose, les spreads capotent, le capital fond. En 1986, la droite, bras politique naturel du capital, prend le pouvoir et rétablit l’équilibre en empêchant l’Etat de générer de l’inflation, la ramenant à un niveau plus proche du taux d’escompte. Sur la durée, avec cette politique d’emprunts massifs à la Banque de France pour financer l’Etat, le franc a perdu plus de 80% de sa valeur, passant de 1 franc français pour 4 francs suisses en 1971 à exactement le contraire en 1986.
Le franc français, passé du statut de monnaie de référence à celui de monnaie de singe, la France doit acheter massivement des dollars pour couvrir ses échanges internationaux. Sur lesquels les américains spéculent joyeusement, contraignant la France a les acheter cher et les utiliser avec un cours plus bas, ce qui revenait littéralement à payer des impôts aux américains. C’est ce qui fera dire à Mitterrand que les américains sont voraces et le contraindra à accélérer l’introduction d’une monnaie unique. La France est économiquement exsangue et l’Allemagne se retrouve face à la Réunification après la chute du Mur de Berlin. Mitterrand presse Helmut Kohl d’introduire l’euro et lui concède un avantage de 2 dixièmes répartis sur l’ensemble des acteurs de la future Zone Euro, dont la France sera le second contributeur derrière l’Allemagne, de façon à soulager le coût de la Réunification pour l’Allemagne. L’Euro introduit, la France est soulagée de la contrainte du dollar en retrouvant une monnaie de change internationale.
Néanmoins, à partir de ce moment-là, il devient beaucoup plus facile de préserver son capital. Le taux d’inflation devient si faible qu’il n’est plus nécessaire de fournir un travail quelconque pour faire fructifier son capital, l’économie se financiarise. Des sociétés financières vendent leurs actions, qui prennent de la valeur, qu’ils revendent pour obtenir des plus-values, les rachètent pour générer de la demande, ce qui les fait monter et génère de la plus-value, toujours sans créer de véritable richesse. D’autant que ces mouvements de capitaux se font essentiellement dans des paradis fiscaux a un rythme de plus en plus rapide, hystérique, jusqu’à l’implosion, début 2008. Ce qui engendrera la crise des subprimes entraînant à sa suite toute la systémique consécutive de ce système financier. La bourse a atteint des sommets, l’inégalité, en recul constant au long du 20ème siècle a repris sa progression et la crise recouvre la société d’une chape de plomb.
Les entreprises et l’industrie se retrouvent le bec dans l’eau. Le secteur bancaire, plus habitué à agir en intermédiaire financier et, accessoirement, d’amortisseur de trésorerie via les comptes courants et le refinancement, se retrouve acteur principal du financement, assumant seul le risque avec les créateurs d’entreprises. Devenues logiquement frileuses, les conditions d’octroi des financements se durcissent, entreprendre devient pénible, fastidieux, l’Economie souffre, la croissance achève son effondrement, jusqu’à parvenir à celle que nous connaissons aujourd’hui. Les grands groupes sont alors les seuls à bénéficier des avantages de ce système, puisque la bourse grimpant, grâce au jeu hystérique des actions, ils dégagent des revenus considérables, investissent à tout va, se rachètent parmi. Les CEO s’octroient des salaires délirants, 10x supérieurs à ceux de leurs prédécesseurs. C’est la folie des années 80-90, qui épuise l’économie, la ronge. Les riches deviennent des hyper-riches…et les entrepreneurs…des héros!
L’endettement est donc une conséquence logique.
Avec une croissance en berne qui doit pourtant financer les acquis des Trente glorieuses, la volonté de maintenir l’emploi coûte que coûte et une démographie qui s’accélère, l’Etat se trouve acculé à l’emprunt, de plus en plus fortement. Il faut néanmoins relativiser la dette. Avec, en Euros compensés, une dette de 220Mds€ en 1971, la France avait une exposition au marché à hauteur de 22% de son PIB. Au sortir de la guerre son endettement représentait 250% de son PIB. Remboursée dès les années 60, ce qui démontre qu’avec de la croissance de rembourser une dette qui est aujourd’hui de 120% du PIB est tout-à-fait réaliste.
L’article 141-3 du Code Monétaire et financier.
Histoire d’en rajouter une couche et justifier du fait que ce serait, soi-disant, l’article 104 Maastricht, repris sous dans le traité simplifié, 123 Lisbonne, qui « réactiverait » la loi 73-7 (nous sombrons dans la bêtise la plus crasse), on rétorque que Giscard à révisé le Code Monétaire et Financier et écrit l’article 141-3 dudit Code, ce qui, une fois de plus, est bien sûr faux!
Voici la table des concordances de la loi qui indique clairement que c’est bien la loi 93-980 des socialistes qui est à l’origine de l’article 141-3 du Code Monétaire et Financier :