Si la société actuelle était une discothèque, tout le monde s’en irait

Si la société actuelle était une discothèque, tout le monde s’en irait. Mais voilà, la société actuelle n’a pas de sortie…

Pour y échapper nous en sommes à imaginer des mondes virtuels dans lesquels certains sombrent. La société s’est progressivement verrouillée au fil des décennies pour s’adapter à l’aggravation de l’attrition du nombre d’heures travaillées par des humains en proportion de la création de richesse, faussement qualifiée de « hausse de la productivité du travail ». Il y a encore seulement 30 ans les modes de vie alternatifs étaient possibles. Avec l’obsolescence du modèle économique du 20e siècle, de moins en moins rentable, il a été mené une lutte déterminée contre le travail au noir, parce que tout le monde doit absolument rentrer dans les clous pour pouvoir persister à le faire fonctionner tant bien que mal. Les métiers se sont structurés, au point de rendre certains impraticables. Etre simplement bricoleur est limité à deux heures par jour, au-delà il faut se spécialiser et avoir une assurance décennale obligatoire, pour laquelle il faut préciser le métier et en avoir une par métier, dont nous devons avoir un diplôme pour chacun. Hors de question de s’installer comme petit couvreur ou maçon. On doit avoir le diplôme, être déclaré artisan et fournir une assurance décennale. Jusqu’au tout début des années 2000 le Code des Sociétés disait que tout individu a le droit de fonder une société pour en retirer les avantages ou retombées qui lui conviennent. Par exemple pour avoir des rabais sur les matériaux de construction de notre maison. A l’époque on pouvait se fournir aux comptoirs électriques, ça ne posait pas vraiment de problème. Un article bien évidemment supprimé, désormais une société doit uniquement avoir un objet mercantile, fût-elle « à mission » ou « à but non lucratif », même sa responsabilité sociétale doit être documentée dans une déclaration « RSE », d’être humain doit être dit, matérialisé. Il y avait des décharges où on trouvait tout et n’importe quoi. J’en connais qui ont rénové leur maison rien qu’avec des matériaux trouvés en décharge. On a remplacé les décharges par des déchetteries où il est interdit de récupérer. Ce qui est évidemment absurde écologiquement, mais ça garantit que les entreprises de recyclage ont quelque chose à recycler. …Et donc qu’elles créent des emplois. En parallèle les conditions du chômage se sont durcies, la population a augmenté, les maisons vides qui émaillaient les campagnes ont été rénovées…

Et donc le système s’est progressivement fermé à la non-conformité.

Il y a 30 ans, il suffisait de trouver quelqu’un qui nous prête un terrain, on y mettait quelques chèvres, on squattait la ruine du coin, avec un garage on faisait un peu de mécanique au black ou de la menuiserie et hop, emballé c’était pesé. Le bail contre travaux était courant, on habitait gratuitement ou moyennant un très petit loyer, en échange on réalisait les travaux de rénovation, le propriétaire payant le matériel. Aujourd’hui, c’est simple : soit on est en emploi, soit à l’aide sociale, sous condition de chercher un emploi. Et si on a une société, les charges sociales nous écrasent, le réel, c’est terminé, désormais il y a un minimum obligatoire à payer et si on n’a pas les moyens de payer, alors on enverra l’huissier qui détruira la société impudente incapable de remplir ses obligations, faisant un assisté social de plus, hors de question d’avoir une société par commodité. Le système est désormais une prison, pour pouvoir optimiser à mort le système obsolète du 20e siècle qui n’est plus fonctionnel et donc le faire survivre le plus longtemps possible, quittes à tout détruire, y compris la population. Et ça ne fonctionne évidemment pas, parce que si le système est optimisé, la population souffre plus et donc coûte plus cher. Des gens qui ne coûtaient rien coûtent aujourd’hui une fortune.

Le Sel (Système d’Échange Local) a marché durant des décennies. Bien sûr, c’était officiellement du travail au noir, mais la petite vieille qui avait des fuites sur son toit et n’avait de toute façon pas les moyens de payer un artisan pour le réparer prêtait son jardin à des jeunes, moyennant du Sel. Ils partageaient avec elle leurs légumes qu’elle leur cuisinait avec joie. Ce qui outre le lien social lui donnait les moyens de payer d’autres avec ce Sel pour réparer son toit. Aujourd’hui c’est devenu très compliqué de passer par ce genre de moyens, très observés et connotés par l’oeil de l’Etat, alors il faut monter un dossier d’amélioration de l’habitat et comme la subvention ne représente qu’au maximum les trois-quarts et qu’elle n’est accordée qu’à condition d’une amélioration du confort d’au moins 25%, la pauvre petite vieille va devoir rester sous ses fuites ou changer également ses fenêtres pour que ça coûte assez cher et emprunter à la banque pour financer le 25% restant.

On en est là…

La France « manque de bras », « 300’000 emplois à pourvoir ne trouvent pas preneur », on l’entend depuis longtemps cette litanie. C’est tout simplement parce que l’acharnement à faire bosser les gens même dans des fonctions inutiles induit que ceux qui prendraient ces emplois occupent déjà un poste, inutile et/ou qui ne leur convient pas, par nécessité. L’acharnement au plein emploi en durcissant continuellement les conditions d’existence de la masse salariale fait que non seulement on ne peut plus changer de travail librement, ce qui compromet la mobilité sociale, prisonniers des contrats de travail, d’autant qu’avec le gigantesque crédit sur la maison à rembourser sur 25 ans… Mais de surcroît on doit prendre ce qui vient au moment où on en a besoin sous peine de subir l’exclusion et la ruine. Si vous ne vous exécutez pas comme attendu, vous êtes simplement détruit, comme un déchet dans un incinérateur. Et ça alors qu’une grosse fraction des emplois est parfaitement inutile, n’ayant pour seul rôle que de créer la fonction pour celui qui l’occupe juste dans le but qu’il ait un emploi, quitte à ce qu’il soit massivement subventionné par la dette souveraine. Si nous supprimions les emplois inutiles, que nous cessions de vouloir faire bosser les gens à tout prix, en réalisant la transition sociétale du 21e siècle, ce problème ne se poserait plus.

Tout ceci induit des problèmes systémiques. Dans la restauration on ne trouve personne parce que le pouvoir d’achat est trop bas pour payer les prestations des restaurants où les prix sont très bon marché par rapport à quelques décennies en arrière. Du coup les salaires sont bas dans une fonction perçue comme peu gratifiante et donc peu attirante et les serveurs qui ont accepté l’emploi sont des gens auxquels ce milieu ne convient pas et qui tirent la gueule parce qu’ils font ce boulot parce qu’il faut bien vivre, ce qui réduit leurs pourboires et dévalorise le métier que de moins en moins de gens veulent faire. Alors que ceux qui feraient volontiers serveurs, occupent un bullshit job inutile, mais mieux rémunérateur. On dégrade les fonctions ET ceux qui les occupent dont les emplois sont de plus en plus de mauvaise qualité.

Ce système d’acharnement à faire que les gens gaspillent bêtement leur vie inutilement à travailler plutôt qu’à se rendre utiles gâche quelque chose d’essentiel dans la société : l’ambiance sociale !

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Auteur/autrice : Thierry Curty

Designer sociétal, inventeur d’un concept intégral économique, écologique et sociétal, co-fondateur de Courant Constructif, auteur, Fervent contemplateur de l’Humanité. De convictions profondes et à l’esprit libre. Passionné d’Économie, de Sociologie, d’Écologie, dans une vision holistique, l’épistémologie est le moteur de ma réflexion, source de ma conviction. Je soutiens la transition sociétale, inéluctable à terme, préalable incontournable des grandes transitions, écologique, énergétique, agrobiologique, qui en sont ses corollaires, et tente de l’expliquer et la dédramatiser, de faire passer le message que loin d’être une fin elle est un nouveau commencement, une solution aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Inéluctable, mais aussi nécessaire et souhaitable, confortable pour tous.

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