La décroissance n’est pas une option. Elle n’est pas une option d’une part parce qu’elle n’est pas suffisamment efficace pour nous permettre d’éviter le réchauffement climatique: polluer moins c’est polluer quand même, et cela n’a aucun impact sur le Co2 déjà émis. D’autre part, quand bien même la décroissance serait efficace, elle ne serait quand même pas une option parce que personne n’en veut. Personne n’en veut parce que notre modèle social est financé par la croissance et que les pays souhaitent se développer. Et dans la mesure où personne ne veut décroitre, s’acharner à défendre la décroissance revient à s’entêter dans une impasse. Non seulement la décroissance, si elle était appliquée en masse, ne suffirait pas à éviter l’effondrement, mais nous savons très bien qu’elle n’est pas appliquée et qu’elle ne le sera pas. Nous n’aurons jamais une décroissance choisie.
Ce ne sont que de riches occidentaux qui rêvent de décroissance. Et quand un occidental devient décroissant, il consomme encore largement plus que ce qu’il faudrait, ne serait-ce que par l’infrastructure dont il bénéficie. Ça fait qu’au lieu de consommer 3 à 6 planètes il en consomme 1,5 à 3. Car n’oublions jamais que consommer moins c’est consommer quand même (la jeunesse qui milite pour la décroissance a un smartphone dans la poche).
Outre cela, les émergeants, eux, ne sont pas décroissants pour un sous. Ils ne veulent pas de la décroissance, ils ne l’envisagent pas une seconde. Ce sont des centaines de millions de personnes qui sont en train d’accéder au niveau de vie moderne. Et les privations de quelques riches occidentaux convertis à la décroissance ne suffiront jamais à compenser cette arrivée massive des émergeants. La décroissance n’est donc qu’un idéalisme moraliste sans effet sur le climat. La SEULE solution est d’opérer une transition systémique vers les énergies décarbonées tout en dépolluant massivement l’atmosphère et en valorisant économiquement le Co2 ainsi absorbé afin de stimuler la dépollution par la demande.
Il s’agit de créer un cercle vertueux qui pousse à la dépollution par avidité économique. Ne comptons pas sur la morale de l’homme qui n’existe que dans sa pensée, appuyons nous plutôt sur le levier de ses besoins et désirs qui le poussent à consommer de la ressource. Si cette ressource est le Co2, nous inverserons le réchauffement climatique. Polluer moins par décroissance, c’est détruire l’économie et provoquer un effondrement mortel de la civilisation moderne. Dépolluer, à l’inverse, est compatible avec notre économie, donc avec le modèle social financé par la croissance.
Ce mécanisme n’a pas besoin des militants écolos pour exister, il est en train de se faire. Les technologies fonctionnent déjà et se perfectionnent extrêmement vite. La phase de mise à l’échelle va commencer dans la fin de cette décennie et nous allons voir émerger une industrie mondiale de la capture-valorisation du carbone atmosphérique. Nous pouvons accélérer la dépollution générale par une mobilisation citoyenne constructive afin de gagner des années précieuses. Sinon la transition se fera au rythme des mécanismes du marché.
Soyons conscients que toutes les solutions de la transition relèvent d’une technologie high tech et d’un niveau de connaissance scientifique poussé. Les technologies évoluent à grand pas. Grâce à la recherche les panneaux solaires vont convertir 20%, puis 50%, puis 70% de l’énergie solaire. De même les capacités d’absorption des technologies de capture carbone, qui sont déjà à 1 tonne de Co2 capté par gigajoule consommée, ne vont cesser de s’améliorer. Vous devez comprendre ces effets d’optimisation et défendre un potentiel pour qu’il fleurisse au lieu de vous y opposer en défendant une idéologie qui rendrait impossible une telle évolution des performances.
Quant à la croissance, elle n’est corrélée aux émissions de CO2 que dans la mesure où elle est basée sur les énergies fossiles. Faites reposer la croissance sur les énergies renouvelables ou la fusion et vous aurez une décorrélation de la croissance et des taux d’émission. On peut même envisager que la croissance dépollue si nous nous mettons à consommer des objets fabriqués à partir de CO2 atmosphérique (fibre de carbone, plastiques, graphène, béton, engrais…).
Nous ne devons pas nous contenter de polluer moins par volonté morale, nous devons boucler la boucle systémique de la pollution en réabsorbant le Co2 émis à des fin d’utilisation commerciale, de sorte que l’écologie présentera un intérêt économique par la rentabilité du marché du Co2. Faire moins la même chose nous déculpabilise mais reste sans effet. Ce qu’il faut c’est greffer l’économie sur la consommation de CO2 de sorte que ce soit l’avidité humaine qui propulse la dépollution. Je comprends qu’il soit plus facile de penser moralement que créativement. Il semble plus simple de se punir et de se priver que d’adopter une vision systémique amorale qui utilise l’avidité humaine comme levier de dépollution. Mais c’est pourtant la seule issue réaliste.
Pour résumer, il y a deux choses essentielles à faire en matière d’écologie: 1/ Ne plus émettre de Co2 , grâce à la transition énergétique vers les renouvelables (et là toutes les solutions sont déjà opérationnelles). 2/ Dépolluer l’atmosphère du CO2 émis, en créant une industrie mondiale de la capture-valorisation du carbone, dont il faut surfinancer le développement afin d’arriver au plus vite à sa mise à l’échelle.
Ces deux chantiers vont rapporter gros à ceux qui auront l’intelligence de s’y atteler. Les renouvelables sont l’avenir des fournisseurs d’énergie et le Co2 est le pétrole du XXIe siècle. Ce n’est pas qu’une affaire d’écologie, c’est une affaire de gros sous et les financiers l’ont bien compris. La réorientation des flux financiers vers les énergies et technologie de la transition est en train de se faire. Le secteur CCU est financé par de gros investisseurs comme Bill Gates qui en ont parfaitement saisi le potentiel. Le fait que la transition écologique soit réalisée par intérêt économique a de quoi choquer l’écolo de base, mais peu importe, l’important est qu’elle se fasse. Et ce n’est pas l’écolo moyen qui dispose des dizaines de millier de milliards nécessaires au financement de la transition.
L’avenir est là, nous pouvons y arriver. Ces considérations systémiques ne satisferont peut-être pas votre besoin moral. Vous avez besoin de sentir que vous vous donnez du mal pour la planète afin de vous déculpabiliser, mais les échelles dont nous parlons dépassent de loin vos petites privations individuelles. La transition est en cours, la meilleure chose que vous puissiez faire est de ne pas vous y opposer en colportant une idéologie décroissante anti-progrès qui lui est nuisible. Les solutions ont besoin de croissance pour que leur développement et leur mise à l’échelle puisse être financé. Etre pour la décroissance c’est favoriser un désinvestissement des solutions techno-scientifiques dont le monde réel a besoin pour réussir sa transition.
La capture industrielle du carbone est la seule voie possible. Il n’y en a pas d’autre. Ne vous opposez pas idéologiquement à la seule solution qui puisse réellement sauver des milliards d’êtres humains, d’animaux et de plantes en permettant de conserver un climat viable pour la vie terrestre. Mobilisez vous pour la dépollution des terres, des mers et de l’atmosphère. Et comprenez que les solutions qui rendent une telle dépollution possible nécessitent la croissance pour le financement de leur développement et de leur mise à l’échelle. En un mot: sortez de l’idéalisme moral qui nous enferme depuis plus de 50 ans dans une opposition stérile entre écologie et économie. Et entrez dans une vision systémique où écologie et économie se stimulent mutuellement via un cercle vertueux de dépollution.