Si les GAFA occupent une place prédominante dans le paysage industriel, on remarque depuis de nombreuses années qu’ils ne paient pas leur juste part en impôt. Ils ne paieraient en France que quelques millions d’Euros d’impôts, sur un chiffre d’affaire mondial de plusieurs milliards d’Euros. Et tout cela, grâce à internet qui a grandement facilité l’exploitation des failles de lois élaborées à une époque où cet outil n’existait pas encore.
La faute à un système fiscal d’un autre âge
Il faut avoir en tête qu’au début du XXème siècle, l’emploi était encore nécessaire pour faire fonctionner les machines des entreprises. De ce fait, lorsqu’une multinationale s’implantait sur le sol d’un pays, elle créait des emplois et payait des taxes qui faisaient vivre les villes du pays dans lequel elle s’implantait. En contrepartie, on leur accordait le droit de payer moins d’impôt sur les sociétés puisque la redistribution de la création de richesse était assurée par le travail et donc passait par les salaires. C’est pour cela notamment qu’il existe des conventions de non double imposition entre de nombreux pays qui permettent aux entreprises de ne payer des impôts que dans le pays où le siège mondial est implanté. En l’occurrence un paradis fiscal qui ne taxe pas les bénéfices venant de l’extérieur ou encore les revenus issus de la propriété intellectuelle.
Le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, non seulement on a de moins en moins besoin de salariés pour produire, mais en plus, grâce à internet, il est beaucoup plus facile aux entreprises de ne plus payer d’impôts sur les sociétés grâce aux montages sophistiqués que permet le système fiscal de certains pays, y compris ceux se trouvant au sein de l’Union Européenne. Avec le e-commerce par exemple, une entreprise n’a plus besoin d’avoir des boutiques physiques avec des salariés. De ce fait, pour reprendre l’exemple d’Amazon, elles facturent depuis un pays où les bénéfices en provenance de l’étranger ne sont pas taxés, en l’occurrence le Luxembourg. Internet n’ayant pas de frontières physiques.
Il faut envisager une autre façon de taxer les bénéfices des multinationales
Dans ce contexte où les entreprises redistribuent de moins en moins leur création de richesse, avec la diminution de la masse salariale du fait qu’elles aient de moins en moins besoin de salariés pour produire les biens et les services, il est important de revoir notre système fiscal de sorte que chaque entreprise qui s’implante sur notre sol paye sa juste part en impôt. En effet, puisqu’il y aura de moins en moins de création de richesse à redistribuer par les salaires, il faudra bien qu’elle soit redistribuée d’une manière ou d’une autre. Par ailleurs, comme le souligne si bien Thierry Curty dans cet article, une entreprise doit payer des impôts sur ces bénéfices pour faire en sorte que ses clients s’enrichissent et puisse ainsi bénéficier d’un environnement propice au commerce, sans quoi elle n’a pas la moindre utilité pour la société. Le commerce, à l’instar de la guerre ou de l’amour, c’est un jeu qui ne peut se jouer qu’à deux.
Je pense notamment à une proposition de Thierry Curty à ce sujet. Pour la taxation des bénéfices des multinationales, on pourrait s’inspirer de l’impôt anticipé suisse.
Ce nouveau système consisterait à prélever de façon anticipée un taux forfaitaire sur le chiffre d’affaire en fonction de l’activité. Ce taux serait de 5% pour les activités de e-commerce et de 30% pour les activités de service, comme les moteurs de recherche ou encore les régies publicitaires. Si les entreprises en question choisissent de remplir une déclaration d’impôt, le fisc leurs rembourse les sommes prélevées pour qu’elles paient ce qu’elles doivent. Si elles ne jugent pas nécessaire de remplir une déclaration, les mêmes sommes forfaitaires prélevées restent dans les caisses du fisc. Ainsi, les multinationales paieront toujours l’impôt qu’elles doivent pour que les États obtiennent la part de création de richesse qui leur revient. Dans ce système, on ne fait pas remonter les bénéfices des filiales au siège situé dans un paradis fiscal, on est prélevé sur son chiffre d’affaire et libre à nous de décider si cela procure un avantage de déclarer ou non ses comptes. Mais dans les deux cas, on finit par payer.
Une réforme fiscale pouvant être un vecteur de renforcement de l’unité Européenne
Pour ce qui est des pays avantageux sur le plan fiscal au sein de l’Union Européenne, c’est que si on peut faire pression pour plus de transparence, on ne peut pas mettre à terre leur principal gagne-pain qui est justement l’optimisation fiscale. En effet, la plupart de ces pays, comme le Luxembourg, Malte ou encore l’Irlande ne disposent que de peu d’industries ou autres moyens de créer de la richesse, hormis les avantages fiscaux qu’exploitent les cabinets de conseils et autres organismes financiers qui constituent l’essentiel de leur moyen de création de richesse. C’est pourquoi on ne peut pas les forcer à changer d’activité pour assurer le fonctionnement de leur économie. Ce qui reviendrait à les couler. C’est pour cela qu’il faudrait renforcer l’unité de l’Union Européenne en instaurant un système de péréquation qui permettrait à ces mêmes pays avantageux sur le plan fiscal de faire partager au reste des pays de l’Union leurs recettes fiscales et vice-versa. Thierry Curty a par ailleurs écrit un article à ce sujet. Ainsi, cette concurrence fiscale ne sera plus un problème puisque les voisins pourront aussi en bénéficier d’une manière ou d’une autre.
De toute façon, la fin de l’évasion ou de l’optimisation fiscale ne se décrète pas. Ce d’autant que la mondialisation de la finance, qui n’existait pas il y a encore une quarantaine d’années, ne facilite pas les choses. On ne peut qu’essayer de trouver des solutions pour faire profiter aux nations la création de richesse qui de toute façon ne pourra plus être redistribuée par le travail et qu’il faudra bien redistribuer d’une manière ou d’une autre.